samedi 19 mars 2011

L'enseignement du français délaissé par le gouvernement du Québec, plus d'anglais imposé à tous

Lettre ouverte de la présidente de l'Association québécoise des professeurs de français.



Madame la Ministre de l'Éducation,

L'Association des professeurs de français, qui regroupe près de 900 membres, a pour mission de contribuer à l'amélioration de la qualité de la langue et de son enseignement. Ses quelque 900 membres œuvrent dans les écoles du Québec, du primaire à l'université, et sont issus de toutes les régions de la province.

Les dernières annonces faites par le premier ministre, lors de son discours inaugural du 23 février dernier, nous laissent perplexes et nous inquiètent vivement. En fait, ce ne sont pas tant les annonces faites qui nous préoccupent, mais plutôt le silence en ce qui a trait au soutien aux enseignants de français dans les classes. Pourtant, la situation du français, tant au primaire, au secondaire qu'au collégial et à la formation des maitres, est décriée depuis longtemps par plusieurs, avec raison. Les nombreux articles publiés ces dernières années sur la réussite aux examens du MELS de fin de secondaire ou sur l'examen d'entrée à l'université (le TECFÉE) en font foi.

Comment interpréter en effet l'annonce de l'achat de tableaux blancs interactifs (TBI) pour chaque classe alors qu'on manque cruellement de dictionnaires et de grammaires dans les classes de français? Pourquoi fournir à chaque enseignant un ordinateur portable alors qu'on leur refuse de participer à des sessions de perfectionnement ou à des congrès, sous prétexte que les budgets ne le permettent pas? Si on achète des uniformes sportifs aux élèves, donnera-t-on un budget équivalent aux enseignants de français pour l'achat de romans, de pièces de théâtre, de recueils de contes, de nouvelles ou de poésie pour leurs élèves? Sur quelles bases s'appuie-t-on pour décider que tous les élèves de la 6e année du primaire, sans égard à leur compétence actuelle en anglais ni à leurs besoins, recevront un enseignement de l'anglais intensif la moitié de l'année alors que dans plusieurs écoles, le temps indicatif d'enseignement de la langue première, le français, n'est même pas respecté ? Alors qu'une bonne partie de nos élèves ont déjà une connaissance fonctionnelle de l'anglais, comment s'assurer qu'ils maitrisent le français adéquatement ? Les besoins comme les acquis sont très diversifiés et ne justifient pas une telle mesure.

En 2008, le ministère de l'Éducation lançait en grande pompe 22 mesures pour améliorer la maitrise du français chez les jeunes. Ces mesures touchent tous les ordres d'enseignement, sauf le collégial, et concernent entre autres le temps d'enseignement du français, les exigences relatives à l'orthographe au primaire ainsi que la formation initiale et continue des enseignants. Trois ans plus tard, aucune évaluation n'a été faite de l'impact de ces mesures visant à améliorer la maitrise de la langue et à soutenir les enseignants et les milieux scolaires. Pire encore : comme aucun échéancier n'accompagnait ces vingt-deux mesures, il est impossible même de savoir si elles sont appliquées dans les milieux.

Nous sommes d'avis que ces nouvelles mesures, annoncées par monsieur Charest il y a quelques semaines, ne répondent pas réellement aux besoins actuels des milieux. Nous craignons qu'il ne s'agisse que de la poudre aux yeux et de coups de trompette pour éviter de voir la réalité des classes et d'entendre les grincements de dents des enseignants. Les mesures proposées n'amélioreront en rien l'enseignement du français au Québec, cette langue que nous souhaitons tous mettre en valeur dans notre système scolaire.

Suzanne Richard, présidente de l'Association québécoise des professeurs de français




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4 commentaires:

  1. L'anglo-espéranto prend l'eau
    Voilà un article intéressant. Deux points retiennent notre attention :

    - l'anglais comme langue universelle, comme espéranto, est fortement remis en question et,
    - l'anglais, trop souvent utilisé comme langue seconde de façon très élémentaire a fini par s'appauvrir.

    L'enseignement de langues secondes au Québec doit refléter cette réalité. Jadis à l'école, nous apprenions qu'il y avait cinq continents, et que nous vivions sur celui qui s'appelle l'Amérique. Or, la langue dominante de ce grand continent, c'est bien l'espagnol. On ne peut l'ignorer.

    Il ne faudrait pas faire avec l'espagnol ce que trop de gens veulent faire avec l'anglais, une langue d'assimilation. Mais au fond, cet avertissement est probablement inutile car l'environnement ne s'y prête pas. Je ne connais personne qui, ayant appris l'espagnol, se met à truffer son français « d'espagnolismes ». Ce n'est pas non plus demain la veille qu'on nous martèlera que sans espagnol, pas d'emploi.

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  2. Christian Rioux a écrit dans le Devoir (pas accessible en ligne) :

    Qu’on se le tienne pour dit, ceux qui prennent prétexte d’Internet pour prêcher le tout à l’anglais ont une décennie de retard. De 1998 à 2007, la part de l’anglais sur la toile a diminué de 75 à 45 %. Elle ne serait plus que de 30 %, selon Daniel Prado, de l’Union latine. Et ce rééquilibrage va se poursuivre. Encore « prééminent pour quelque temps », l’anglais est destiné à devenir sur Internet « une langue parmi plusieurs », dit le British Council.

    L’étroite association de l’anglais aux technologies de l’information n’aura donc été qu’un « phénomène temporaire », poursuivent les auteurs. La domination effrontée de l’anglais pourrait de plus susciter les mêmes réactions que les coupes à blanc ou les pratiques polluantes de la compagnie Shell. Une thèse reprise par le linguiste Nicholas Ostler (The Last Lingua Franca), selon lequel l’affaiblissement de l’hégémonie anglo-américaine et l’accessibilité des nouvelles techniques informatiques favoriseront les langues nationales et accentueront la rivalité entre quelques grandes langues qui pourront prétendre à un rôle international. Le site Portalingua a d’ailleurs créé un indice qui, en intégrant une dizaine de facteurs, permet de mesurer le poids relatif de ces langues dans le monde. Le français s’y classe au second rang, assez loin derrière l’anglais mais juste devant l’espagnol.

    ais un autre fléau menace aussi l’anglais. Il serait rongé de l’intérieur par le très grand nombre de ses locuteurs qui se contentent de baragouiner une langue appauvrie et bancale de moins de 1500 mots : le « globish ». Pour la philosophe Barbara Cassin, il faut absolument « sauver » l’anglais du « tout-à-l’égout ». Elle estime qu’on ne peut pas considérer les langues comme de simples instruments de communication interchangeables sous peine de sombrer dans la médiocrité.

    Cette réflexion rejoint celle du politologue québécois Christian Dufour, qui craint de voir les Québécois se complaire dans la médiocrité en parlant deux langues secondes. Selon la germaniste Astrid Guillaume, il ne suffit pas d’apprendre l’anglais. Il faut aussi restaurer la primauté de la traduction, qui seule garantit le droit de chacun de s’exprimer pleinement dans sa langue et permet de rendre toutes les nuances de la pensée. Certes, il faut apprendre l’anglais, dit-elle, mais pas pour autant un anglais tronqué strictement utilitaire, sans histoire, sans textes, sans littérature et sans culture.

    Or, les Québécois n’ont-ils pas justement besoin plus que les autres d’un enseignement de l’anglais qui ne soit ni pavlovien ni utilitaire, mais qui leur permette de saisir que leur propre langue est trop souvent pervertie par le vocabulaire, la syntaxe et les calques de l’anglais ?

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  3. 33 ans après l'adoption de la Loi 101, plus ou moins 40% des allophones qui ont fait leur école primaire et secondaire en français choisissent ensuite de fréquenter un cégep anglais à un moment charnière de la vie, où on se prépare au milieu du travail et où, la langue qu'un allophone finira par utiliser principalement, commence à s'imposer à lui ou elle comme choix.

    Rappelons ici que le Québec - en fait les régions de Montréalaise et de l'Outaouais -, est la seule province canadienne et le seul État sur le continent où il existe une concurrence ouverte entre deux langues pour l'intégration des nouveaux arrivants. D'où la nécessité de la Loi 101 et de mesures dites coercitives pour tenter de donner au français un rapport de forces face au pouvoir d'attraction de l'anglais comme langue d'usage.

    (Tentons seulement d'imaginer la réaction hors Québec si, au Canada anglais, près de 40% des allophones poursuivaient leurs études supérieures en français... Évidemment, cette situation est purement hypothétique... mais à simple fin de comparaison, on voit à quel point un tel phénomène soulèverait des questionnements fort sérieux dans n'importe quelle société.)

    Le débat porte donc sur cette question précise: pour renforcer ce rapport de forces au moment où le français recule, étendre les dispositions de la Loi 101 aux cégeps est-elle une mesure nécessaire?

    Du côté des francophones, ils ne sont que plus ou moins 5% à choisir un cégep anglophone. Une donnée qui semble jeter un éclairage différent sur l'argument voulant que l'enseignement de l'anglais dans les écoles françaises serait déficient au point où il serait essentiel de préserver cette situation de «libre choix» pour les francophones. Car si l'apprentissage de l'anglais et d'une tierce langue demeure un outil utile, la question du «comment» demeure entière. En d'autres termes, est-ce vraiment en passant par un cégep anglais que cela se fait, puisqu'à peine 5% des francophones le font? La question, tout au moins, se pose.)

    Ce qui ramène à une évidence: l'inquiétude ici porte plutôt sur ce 40% d'allophones - une proportion élevée - qui, en situation de libre choix», préfèrent le cégep et l'université en anglais.

    Sans oublier l'effet négatif que risque fort d'avoir à terme la possibilité maintenant offerte aux parents francophones et allophones plus fortunés d'«acheter» à leurs enfants le «droit» de fréquenter l'école anglaise subventionnée, privée ou publique, après un séjour de trois ans dans une écoles anglaise privée non-subventionnée dite «passerelle».

    Sur la question du cégep et de l'influence de la langue d'enseignement sur les choix linguistiques subséquents des étudiants, voir cette étude récente de l'Institut de recherche sur le français en Amérique (IRFA) sur les comportements linguistiques des étudiants du collégial. http://www.irfa.ca/n/ECLEC

    Un bref résumé de l'étude est ici: http://irfa.ca/n/sites/irfa.ca/files/note_irfa_SEPTEMBRE2010A.pdf

    L'étude intégrale est ici: http://irfa.ca/n/sites/irfa.ca/files/analyse_irfa_SEPTEMBRE2010A_5.pdf

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  4. A part les capitales, aucunes provinces ou juridictions dans le monde est "bilingue" (dans le sens du rêve de trudeau). L'Inde a 22 langues (si je me souviens bien), mais chaque état fonctionne dans une langue. La Belgique a 3 langues officielles(dont l'allemand pour une petite région), mais à part la capitale, tout se passe dans une langue. La Suisse = 4 langues, mais tout se passe dans UNE langue à l'intérieur des cantons. Aux États-Unis, de plus en plus d'états(je pense que c'est rendu à 27 états et ce chiffre monte vite), passent des lois "english only". Les obsédés du bilinguisme (qui coûte une fortune au canada, mais sans résultats probants pour les anglophones... qui sont souvent frustrés de se faire imposer une langue étrangère) "à la trudeau" ont 9 provinces, 3 territoires et 50 états où ils peuvent aller propager leur "évangile bilingue". Ceux qui veulent s'angliciser à tout prix(ou forcer les autres à s'angliciser) peuvent aussi profiter de l'immensité de l'amérique...

    Autre chose:

    Les états-unis sont une puissance DÉCLINANTE... l'anglais ou le latin moderne(?) -langue maternelle- devient de plus en plus minoritaire dans le monde et il décline TRES vite sur internet.

    ----»
    "De 1998 à 2007, la part de l’anglais sur la toile a diminué de 75 à 45 %. Elle ne serait plus que de 30 %, selon Daniel Prado, de l’Union latine. Et ce rééquilibrage va se poursuivre. Encore « prééminent pour quelque temps », l’anglais est destiné à devenir sur Internet « une langue parmi plusieurs », dit le British Council."

    (merci Réjean)

    p.s.
    Les anglos (descendants d'irlandais, d'écossais et d'anglais de l'angleterre) - -protégés par la charte... comme AUCUNE AUTRE MINORITÉ DANS LE MONDE- sont uniquement environ 4% au Québec. 8-9% des québécois se considèrent anglophones (cela inclus les descendants de grecs, d'italiens, etc), mais presque tous parlent et comprennent le français.

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