mercredi 4 août 2010

L'Académie Lavalloise, Michelle Couchesne et le Monopole de l'éducation du Québec

Vendredi 30 juillet, Le Devoir nous annonçait que le Monopole de l'Éducation du Québec (le « MELS ») avait décidé de révoquer le permis de l'Académie lavalloise, une école primaire privée non subventionnée, jugeant qu'il n'était pas conforme à la loi. Cette école avait été fondée il y a cinquante ans et n'est pas une école religieuse, ce qui explique sans doute qu'on n'ait pas trop entendu dire qu'elle était « illégale ».

Selon le Monopole, l'Académie lavalloise ne respectait pas les normes notamment parce :
  1. qu'elle laissait enseigner du personnel non qualifié en fonction des critères du MELS ;
  2. n'utilisait pas du matériel approuvé par le ministère de l'Éducation ;
  3. exigeait des parents des frais d'inscription trop élevés ;
  4. avait fourni des états financiers en retard ;
  5. son calendrier scolaire ne possède aucune journée pédagogique ;
  6. les enfants de la maternelle reçoivent des cours d'anglais ;
  7. l'enseignement à la maternelle ne respectait pas l'esprit du Programme de formation de l'école québécoise imposé à tous puisque l'approche y est disciplinaire ;
  8. elle n'aurait pas « de plan pédagogique » et
  9. le bulletin de l'école ne répond pas aux normes établies par le Monopole.

Incidemment, ce que les articles de presse récents ne disent pas c'est que cette Académie avait été épinglée dans un rapport d'inspection précédent et qu'elle devrait à l'avenir « respecter les orientations du programme d’éthique et de culture religieuse ».

Passons en revue ces « défauts » :

  1. le personnel « non qualifié » : il faut se rappeler que cela signifie sans le diplôme en pédagogie reconnu par l'État, pas nécessairement des professeurs incompétents.

    On se rappellera cette histoire rapportée dans Le Devoir d’un excellent prof de latin qui, lui aussi, n’était pas qualifié au sens de la Loi. Il avait dû renoncer à son poste et enseigner le latin à son successeur qui ne le connaissait pas ou peu, mais qui détenait le diplôme nécessaire en pédagogisme. La chose avait même ému Josée Boileau dans le Devoir qui dénonçait « un incroyable salmigondis administratif, goutte d'eau qui s'ajoute à un parcours fait d'obstacles syndicaux et bureaucratiques qui ne peuvent faire rire que dans les films de Denys Arcand ou un épisode des Bougon. »

    Rappelons que les écoles publiques du Québec continuent d'embaucher en grand nombre des personnes non qualifiées pour enseigner à leurs élèves. Victimes d'une importante pénurie d'enseignants, elles se sont tournées vers au moins 53 personnes qui ne détenaient qu'un diplôme du secondaire, depuis le début de l'année scolaire 2009-2010 (source). Faudrait-il fermer ces écoles publiques ?

    Dans le cas de l'Académie lavalloise, selon Véronique Guindon, la nouvelle directrice, « Tous nos professeurs ont les compétences et qualifications requises pour enseigner. Je dois seulement préciser que ce sont nos professeurs spécialisés, en danse notamment, qui n’ont pas le diplôme reconnu. Or, nous avons obtenu des tolérances d’engagement pour l’année en cours ».
  2. le matériel didactique non approuvé par le ministère de l'Éducation : quand on considère le matériel tendancieux approuvé par le MELS en éthique et culture religieuse, en univers social et en histoire, on ne voit pas très bien où est le problème.
  3. des frais d'inscription trop élevés : c'est une décision qui devrait ne revenir qu'aux parents qui choisissent cette école.
  4. calendrier scolaire sans aucune journée pédagogique, bulletin pas conforme aux désirs du MELS : et alors ? Pourquoi les écoles privées ne peuvent-elles pas décider de ce genre de choses en accord avec leur clientèle, les parents ?
  5. les enfants de la maternelle reçoivent des cours d'anglais : bien que nous pensions que les parents québécois feraient bien de d'abord penser à améliorer le français de leurs enfants, la restriction que veut imposer le MELS peut être contournée par l'Académie lavalloise : « La question de l'enseignement de l'anglais dès la maternelle peut se régler en enseignant cette langue en dehors des heures de classe, par exemple », a expliqué le président du comité de parents de l'Académie lavalloise, Albert Di Fruscia. Pourquoi forcer les écoles à user de ces ruses par une réglementation tatillonne ?

    En outre, ce n'est pas avec le discours très convenu de l'anglais comme « ouverture sur le monde » que le PLQ saura résister à cette dérive anglicisante des écoles privées québécoises. Le député libéral de Vimont (Laval) Vincent Auclair s'est par exemple fendu de cette déclaration : « Nous, on est très conscient qu’au Québec c’est une richesse de parler plus d’une langue [Note du carnet : uniquement l'anglais en réalité]. Et pour nous, il faut aller en avant. La population est prête à ça et il faut trouver des moyens de l’encourager. »
  6. la formation était disciplinaire : à nouveau quelle importance ? C'est un choix qui devrait être possible dans une école privée. Pourquoi faut-il imposer la très controversée « réforme pédagogique » et l'« approche par compétences » aux écoles privées ?

Des parents furieux

La décision de révoquer le permis de cet établissement a provoqué un branle-bas de combat au sein du personnel de l'Académie lavalloise ainsi que chez les parents. Visiblement secoué par cette décision, l'ancien directeur, David Zakaïb, a laissé entendre qu'il ne laisserait pas le ministère fermer les portes de son école aussi facilement. « Ça fait 52 ans qu'on existe et on a 300 parents en amour avec notre école. Nos enfants vont tous à l'école secondaire au privé. Les parents sont en furie », a-t-il dit en entrevue téléphonique au Devoir. Car ce n'est que jeudi matin — soit moins de quatre semaines avant la rentrée des classes — que les parents ont reçu par courrier un avis provenant du ministère de l'Éducation les avisant qu'ils allaient devoir trouver une autre école pour leurs enfants pour l'année scolaire 2010-2011.

Selon le Devoir qui relayait l'information sans distance, « Le ministère a promis d'aider les parents » dès ce lundi après avoir causé la situation  elle-même, ce qui est quand même un comble ! Le Devoir rapportait ainsi vendredi que « La ministre [Michelle Courchesne] est très consciente de l'impact qu'une telle décision peut avoir. Elle ne veut pas que les parents et les enfants soient pris en otage et entrera en contact dès lundi avec les parents afin de s'assurer que leurs enfants aient des services éducatifs [à l'école publique qu'ils ne veulent pas fréquenter !] », a déclaré Cédrick Beauregard, porte-parole au Monopole de l'Éducation.

« Cela n'a pas d'allure »

Curieusement, si l'on en croit le député PLQ Vincent Auclair, la ministre elle-même trouverait que l'affaire n'aurait pas « d'allure ». « Je viens de parler avec la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, qui trouve que la situation n'a pas d'allure. L'école devrait être mise sous une forme de tutelle par le ministère », a-t-il affirmé au Courrier Laval.

Permis renouvelé pour un an

Lundi, Radio-Canada, annonce que la rentrée des classes à l'Académie lavalloise se fera normalement cette année.

La ministre de l'Éducation du Québec Michelle Courchesne a rencontré lundi le comité de parents de l'Académie lavalloise. On remarquera la sélectivité des rencontres de Mme Courchesne. Elle n'a jamais en effet, en près de trois ans, les représentants des milliers de parents opposés au cours ECR alors que ceux-ci lui envoient régulièrement une demande de la rencontrer (la dernière requête est partie peu après le jugement Loyola qui jeté le désarroi parmi les partisans de l'imposition de ce cours unique au nom de la diversité).

Québec tolérera que l'école dispense les cours pour l'année 2010-2011, mais l'établissement ne retrouvera son permis que s'il se conforme à la loi sur l'enseignement privé nous apprend Radio-Canada.

Limiter le pouvoir de nuisance du Monopole

Et si on évitait à l'avenir toutes ces intrusions « qui n'ont pas d'allure » en limitant considérablement le pouvoir d'intervention du Monopole de l'Éducation du Québec dans les affaires des établissements privés non subventionnés ? Qu'est-ce qui permet au gouvernement de se mêler notamment du prix de la scolarisation dans ces écoles ou même des manuels utilisés et des professeurs embauchés pour peu qu'il y ait transparence à ce niveau ? Les parents sont-ils des mineurs d'âge incapables de décider quelle école est bonne ou mauvaise pour leurs enfants ? Pourquoi l'État doit-il décider pour eux quelle école privée est bonne pour eux ?

Le rôle de l'État ne devrait-il pas se limiter à s'assurer que l'information fournie aux parents de ces écoles privées francophones est suffisante et correcte afin que les parents puissent juger en toute connaissance de cause ?




Soutenons les familles dans leurs combats juridiques (reçu fiscal pour tout don supérieur à 50 $)

1 commentaire:

  1. Encore une preuve de la connerie du régime culbécois, si il en fallait une autre...

    J'arrête là je suis trop découragé.

    RépondreSupprimer