jeudi 10 avril 2008

Lettre ouverte du théologien Guy Durand à la ministre Michèle Courchesne

Mme la ministre Michèle Courchesne,

En lisant le journal Le Devoir du 7 avril, j'ai été frappé par l'article « L'Association des professeurs de français se retire du processus de validation des programmes » et je ne puis éviter de penser au programme d'enseignement de l'histoire et au programme projeté d'éthique et de culture religieuse. Les mêmes reproches s'entendent: programme conçu par une équipe restreinte selon une idéologie loin de faire consensus, consultations qui ne peuvent remettre en cause les orientations de fond et n'acceptent que des corrections cosmétiques, expérimentation trop restreinte et trop courte.

Je sais que vous ne pouvez pas tout faire en même temps. Raison de plus pour imposer un moratoire pour vous permettre d'analyser les choses et mettre de l'ordre dans votre ministère. Je veux bien qu'on se soit entendu, il y a plusieurs années, sur une réforme qui insistait sur les matières de base; malheureusement, celle-ci s'est transformée progressivement en une réforme pédagogique basée sur la méthode socio-constructiviste contestée partout et sur une idéologie tout aussi contestée, au moins en histoire et en éthique et culture religieuse (ECR).

Le programme projeté d'ECR, en particulier, s'est imposé en trompant la population, et ce, en opposition à la volonté de beaucoup de parents. Il conduit tout droit au scepticisme et au relativisme. Il risque de perturber l'enfant en l'exposant trop vite à des valeurs différentes de celles de ses parents.

La démocratie et l'avenir des jeunes exigent une intervention vigoureuse de votre part. Vos « compétences » nous le laissent espérer.

Guy Durand, le 8 avril 2008.

2 commentaires:

  1. Bonjour Monsieur Guy DURAND,
    Bien que Belge et donc non concerné, je me permets de vous exprimer un commentaire.
    Le "scepticisme et le relativisme" sont en effet condamnables si l'on entend par là que "tout se vaut".
    Par contre, ils sont bénéfiques intellectuellement lorsqu'ils incitent au libre-examen en vue de choisir ses convictions philosophiques OU religieuses. Il n'est évidemment pas question d' "inculquer le relativisme et l'athéisme" !
    J'en viens à penser qu'un moratoire devrait avoir lieu tant que l'option laïque n'aura pas sa place dans ce nouveau cours : par simple honnêteté intellectuelle ...
    Pour votre information, je joins ma réponse à un article publié dans le Soleil :

    Michel THYS
    michelthys@tele2allin.be
    ----- Original Message -----
    From: Michel THYS
    To: redaction@lesoleil.com ; martin.pelchat@armtex.ca ; leroux.georges@uquam.ca
    Sent: Saturday, April 12, 2008 9:32 AM
    Subject: Fw: "Des parents partent en Cour" contre le nouveau cours ...

    Bonjour,
    L'argumentation de l'avocat Jean-Yves Côté me paraît non fondée : j'estime qu'à notre époque de pluralisme des cultures et des convictions, les parents, croyants ET incroyants, ont tort lorsqu'ils persistent à vouloir confiner leur enfant dans leur seule optique exclusive.
    Ces parents ne feront qu'accroître le communautarisme et l'intolérance qu'il génère.
    Maître Côté estime que ce nouveau cours est susceptible de "causer des préjudices graves" à l'enfant, parce qu'il "brime les libertés fondamentales de religion et de conscience" ou qu'il "perturbe l'enfant en l'exposant trop jeune à des convictions et croyances différentes de celles privilégiées par ses parents".

    Certes, les droits des parents sont-ils légitimes et constitutionnels. Mais ne doivent-ils pas céder le pas à ceux, supérieurs et donc prioritaires, de l'enfant ? Je pose trois questions aux parents :
    - Sont-ils nécessairement infaillibles au point de pouvoir décider seuls de l'intérêt de leur enfant ?
    - Prennent-ils en considération l’évolution de notre société vers le pluralisme des cultures et des
    convictions et la nécessité de rechercher un consensus de valeurs citoyennes communes ?
    - Ont-ils été informés, au-delà des traditions religieuses québécoises, des alternatives laïques ?
    Il est évident que non : le nouveau cours d’éthique et de culture religieuse privilégie manifestement la découverte de la seule expérience religieuse et de ses expressions au travers de six religions, surtout la catholique, alors qu'une information minimale serait suffisante ! Certes, il récupère les principes de la laïcité politique (la neutralité, la tolérance, l’ouverture à l’autre, le dialogue, le vivre-ensemble, …), mais pas - hélas- ceux de la laïcité philosophique (autonomie, respect des valeurs humanistes, responsabilité individuelle, esprit critique à partir d’alternatives non religieuses, libre choix des convictions religieuses OU philosophiques (agnosticisme, incroyance, athéisme, libre pensée, franc-maçonnerie a-dogmatique, …).

    En effet, les deux programmes de ce cours font seulement mention, mais sans les détailler, et donc pro forma, ( si elles ne sont pas "occultées ") de l’ “existence de diverses traditions, idéologies, courants de pensée séculiers, qui “entendent” (sic) définir le sens et la valeur de l’expérience humaine en dehors des croyances et des adhésions religieuses” (…) et “apporter d’autres pistes de réponses aux questions existentielles (l’existence du divin, le sens de mort, et la nature de l’être humain”, et ce, à partir de quelques textes philosophiques : Kant, Nietzsche, Sartre et Freud).

    Mais aucune allusion aux principes, aux valeurs, aux fondements et aux objectifs de la morale laïque, de l’humanisme laïque, de la spiritualité laïque, etc …, ce qui permettrait pourtant aux jeunes d’être en mesure de choisir, aussi tard et aussi librement que possible, de croire ou de ne pas croire.

    L'option laïque serait-elle une abomination au Québec ?

    Certes, ce nouveau cours se veut “intellectuel” et non “confessionnel”, mais il faut espérer que les enseignants seront disposés et prêts, en toute honnêteté intellectuelle et sans prosélytisme, à ne pas influencer leurs élèves dans le sens de leurs propres convictions, quelles qu’elles soient.
    Quant aux parents, ils doivent se demander, me semble-t-il, s’ils ont encore moralement le droit de continuer à donner à leurs enfants la même éducation que celle qu’ils ont reçue.
    Du moins s’ils veulent leur donner les meilleures chances de s’adapter harmonieusement à l’évolution du monde actuel. Puisse ce cours (qu’il faudra donc améliorer !) parvenir déjà à élargir l’horizon des élèves et à diminuer ainsi l’influence précoce, affective, unilatérale et donc exclusive du milieu familial.


    “Panta rhei” …! Tout coule, tout change ! Même l’approche traditionnelle du phénomène religieux (théologique, philosophique, métaphysique, historique, politique, …) doit à présent être complétée par la prise en compte des récentes observations psychoneurophysiologiques et éducatives de la foi, qui cherchent à en comprendre l' origine, le substrat et la fréquente pérennité, indépendamment de l’intelligence et du niveau intellectuel.
    Je propose à ce sujet la lecture d’un texte de deux pages :
    http://atheisme.free.fr/Contributions/Croire_ou_pas_croire.htm
    Cordialement.,
    Michel THYS
    Waterloo, en Belgique.
    michelthys@tele2allin.be




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    michelthys@tele2allin.be

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  2. M. Thys écrivait :

    >L'argumentation de l'avocat
    >Jean-Yves Côté me paraît non
    >fondée : j'estime qu'à notre
    >époque de pluralisme des cultures
    >et des convictions, les parents,
    >croyants ET incroyants, ont tort
    >lorsqu'ils persistent à vouloir
    >confiner leur enfant dans leur
    >seule optique exclusive.

    D'une part, c'est une question de choix, vous pensez que cette méthode n'est pas correcte, c'est votre droit. Le plus gros problème avec le cours d'ECR est qu'il soit imposé à tous, si ce programme plaît à certains parents, qu'ils soient *libres* de le choisir. Ce n'est pas au gouvernement d'imposer à tous sa vision en matière de foi, de croyances ou même d’essayer de modifier « subtilement » la perception de la religion des jeunes captifs qui lui sont confiés.

    D'autre part, on peut très bien enseigner les grandes religions d'une autre manière que celle imposée par l'État.

    >Ces parents ne feront qu'accroître >le communautarisme et >l'intolérance qu'il génère.

    Toute différence peut être source d'intolérance, faut-il pour autant être intolérant et l'État s’efforcer que tous pensent la même chose (en prétendant bien sûr qu'il ne prendra pas partie, mais en imposant à tout le monde le même programme). Imaginer le même débat sur les langues : trop de langues et de communautarisme en Belgique/Canada, tous doivent apprendre la même chose pour éviter les conflits... Cela ne pourra soit qu'exaspérer les conflits ou, à la longue, faire disparaître la différence (la langue, la foi, l’option politique) la moins vigoureuse (par exemple démographiquement ou économiquement). Étrange tolérance.

    Enfin, notons au niveau des résultats que les religions ouvertes sur les autres, peu convaincues en leurs dogmes, libérales – je pense ici surtout aux Européens et Américains du Nord ¬– sont en plein déclin et semblent surtout créer des travées vides dans leurs églises alors que celles qui « persistent à vouloir confiner leur enfant dans leur seule optique exclusive » vont très bien. Le conservatisme marche, pas le libéralisme qui n’est très convaincu de ses dogmes ni très convaincant et qui, de toute façon, n'a presque rien à offrir par rapport au « siècle ».

    On repassera donc pour les leçons de survie et d'adaptation.

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