lundi 9 novembre 2020

Les Québécois les plus anti-Trump... Informés par des médias partiaux ?

Selon des chiffres d’un sondage fourni par Jean-François Lisée, les Québécois sont les chauds partisans de Joe Biden. M. Lisée s’en réjouit.


C’est possible. Mais que prouveraient ces chiffres ? Que les gens au Québec utilisent un filtre (TVA, SRC, La Presse, Le Journal de Montréal) pour avoir de l’« information » sur la politique américaine et que ce filtre (en français) est très biaisé unanimement en faveur de Biden ? Ou plutôt, unanimement contre Trump, car personne ne sait vraiment ce que Biden représente ?  Unanimité nettement moins perceptible dans le Canada anglais où les gens obtiennent souvent leurs informations à la source : ils regardent, écoutent et lisent les médias américains en nettement plus grand nombre.

Cette unanimité des médias québécois nous laisse d’ailleurs songeurs : quel avantage un groupe comme TVA/Journal de Montréal a-t-il à n’être qu’une pâle copie moins subventionnée de Radio-Canada ? Ce consensus qui parcourt les médias est vrai pour toute une série de sujets : la politique américaine, la défense des valeurs progressistes, mais aussi la gestion de la pandémie (peu critiquée dans tous les médias subventionnés).

C’est très différent de ce que l’on observe dans d’autres pays. Ce consensus est-il dû à l’étroitesse du marché québécois ? Tous les journalistes québécois se connaissent, beaucoup savent que leur poste est précaire et que leur prochain employeur pourrait leur reprocher de ne pas suivre le mouvement.  Nous attendons qu’un seul média québécois produise une tribune comme celle-ci (tirée du Figaro). Nous n’avons rien lu de positif sur Trump dans les médias québécois.

Christopher Caldwell: “Le Bilan de Trump a été, à bien des égards, impressionnant”.

Christopher Caldwell est éditeur à la Claremont Review of Books (Los Angeles), contributeur d’opinion au « New York Times » et auteur d’« Une révolution sous nos yeux » (L’Artilleur) et « The Age of Entitlement: America Since the Sixties ». Il est membre du comité de rédaction de la revue « Commentaire ». L’essayiste et journaliste américain affirme que sans la crise du coronavirus Donald Trump aurait probablement été réélu. Il attribue les bons scores du président sortant à ses résultats économiques.

LE FIGARO. — Alors que beaucoup prédisaient une victoire facile pour Joe Biden, l’élection a été très serrée. Qu’est-ce que ce décalage révèle ?

Christopher CALDWELL. — Évidemment un échec des journalistes et des sondeurs. Considéré, à juste titre, comme une faute professionnelle. Mais cela reflète aussi un problème plus profond. Avec la mondialisation, les citoyens occidentaux ont cédé une grande partie de leur pouvoir de décision démocratique à des experts : banquiers centraux, concepteurs d’algorithmes de moteurs de recherche, épidémiologistes… mais aussi sondeurs et journalistes. Donald Trump, comme d’autres populistes, ne fait pas confiance aux motivations de ces experts. Il se méfie de leur expertise même. Il dit qu’ils ne servent pas le pays, mais l’exploitent. Un échec comme celui des sondeurs de mardi semble confirmer le point de vue de Trump.

— Quelles sont les sources de la popularité de Donald Trump dans une partie de l’Amérique ?

Il ne s’agit pas juste d’une partie de l’Amérique ! Trump a remporté 85 % des comtés des États-Unis en 2016 et fera probablement un score aussi bon cette année. Pourquoi ? L’explication est analogue à celle que fait en France votre Christophe Guilluy, qui voit une fracture entre ces lieux qui participent à l’économie mondiale et ces quartiers périphériques qui n’y participent pas. Les démocrates représentent les élites financières et technologiques des villes mondialisées, et ceux qui en dépendent, surtout les minorités raciales et sexuelles qui bénéficient de leur hégémonie sur l’appareil judiciaire des droits de l’homme. Trump représente le reste. Cela aboutit à une division du pays à 50-50.

— Que retiendra-t-on du mandat de Donald Trump ? Quel est son bilan en termes de politique intérieure et extérieure ?

Une loi de réduction d’impôt mise à part, Trump n’a adopté aucune loi digne d’être mentionnée — aucune. Ce n’est pas une faute qui lui est propre. C’est le résultat d’un effondrement des institutions américaines. Le plan baroque de réforme des soins de santé de Barack Obama et la réforme de l’éducation de George W. Bush, bâclés l’un et l’autre, sont les seules lois importantes de ce siècle. Mais la législation n’est pas le seul moyen de changer un pays, et le bilan de Trump a été, à bien des égards, impressionnant. Il a été élu pour mettre fin aux interventions dites « humanitaires » et il l’a fait. Il a annulé l’« accord » de Barack Obama qui aurait donné à l’Iran une voie vers les armes nucléaires. Trump a, de surcroît, renforcé la position d’Israël au Moyen-Orient. Son insistance pour que les pays européens participent davantage aux coûts de leur propre défense a été grossière et peut-être impopulaire parmi les alliés. Mais comme la plupart des citoyens européens le savent, il a raison. De nombreux Américains admirent l’économie d’exportation allemande, mais ils ne souhaitent pas la subventionner. Et il a complètement changé la façon dont les Américains des deux parties pensent leur dépendance aux produits chinois bon marché. C’est en réalité une victoire pour la nuance : le commerce est bon, mais pas en tout temps et en tout lieu. Lorsqu’un pays industriel supposé avancé est incapable de fabriquer des masques chirurgicaux, des lingettes pour les mains et de l’ibuprofène pendant une pandémie, c’est qu’il a poussé la mondialisation trop loin. Mais la plus grande réussite de Trump concerne l’économie. D’autres présidents ont permis une croissance économique régulière. Mais pendant les trois premières années de la présidence Trump, une part disproportionnée des gains est allée aux travailleurs à faible revenu. Il a apporté une croissance salariale de près de 5 % pour les travailleurs du quart le plus bas des revenus. Il s’agissait du premier nivellement soutenu des revenus et des richesses depuis le siècle dernier. C’est pourquoi les électeurs des régions oubliées du pays ont voté pour Trump en 2016. C’est pourquoi un nombre surprenant de jeunes Latinos et de Noirs s’est tourné vers sa candidature cette année. Pourquoi les politiques économiques de Trump ont-elles eu des effets aussi égalitaires ? Ce n’est toujours pas très clair. Peut-être ses restrictions à l’immigration ont-elles réduit la concurrence salariale pour les pauvres américains. Quelle qu’en soit la raison, les futurs présidents souhaiteront l’étudier. Le coronavirus a tout inversé, mais les électeurs s’en sont souvenus et une majorité d’entre eux approuvent sa politique économique, même maintenant.

— S’il n’y avait pas eu la crise du coronavirus, aurions-nous assisté à une vague trumpiste ?

Trump aurait probablement été réélu facilement, car le point central de la campagne aurait été l’économie, pas les manifestations raciales et les émeutes urbaines du début de l’été. Malheureusement pour lui, le Wisconsin, un État crucial qu’il a remporté en 2016 et perdu en 2020, a été dévasté à la fois par le virus et les émeutes des jours précédant les élections. Une véritable « vague » Trump aurait été peu probable. Mais il faut néanmoins souligner que les républicains ont réussi une bien meilleure performance qu’attendue aux élections législatives de cette semaine.

— L’Amérique sort de cette élection plus divisée que jamais. Comment réconcilier les deux Amériques ?

Ce qui est le plus inquiétant, ce n’est pas que les deux Amériques soient divisées sur ce que le pays devrait faire, c’est l’état normal des affaires dans une démocratie. C’est que les deux parties ne puissent plus s’entendre sur ce que le pays devrait être.

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