jeudi 28 novembre 2019

France — échec du déboublement des classes de banlieues immigrées, sortir de la pensée magique sur l'école

Jusqu’où les nouvelles technologiques, et en particulier l’intelligence artificielle, pèseront-elles sur les métiers de demain ? Et surtout, comment adapter les formations et l’Éducation nationale devant ces bouleversements à venir ? La délégation sénatoriale aux entreprises s’est saisie de la question, en organisant ce 28 novembre une table ronde autour de différents acteurs. Parmi les profils retenus : le très médiatique chirurgien Laurent Alexandre, spécialiste de l’intelligence artificielle. Il n’a pas fait que déplorer l’insuffisance des budgets engagés, il a aussi tiré à boulets rouges sur l’école.

Le discours du scientifique, aux positions controversées, n’a pas failli à sa réputation de franc-parler. « Ce n’est pas politiquement correct et il n’est peut-être pas raisonnable de dire ça au Sénat », a-t-il prévenu d’emblée. « Plomin en Angleterre a montré que 64 % des différences de maîtrise de la lecture sont d’origine génétique et ne sont pas d’origine culturelles et environnementales comme on le pensait jusqu’à maintenant » Laurent Alexandre fait ici référence à une étude publiée en 2015 dans la revue Nature qui explique qu’environ 60 % des différences de résultats au bac britannique peuvent s’expliquer par des facteurs génétiques. Autrement dit, l’environnemental familial et culturel ne sont pas les premiers facteurs.

« Nous n’allons pas avoir de miracle »

Partant du constat de l’étude de Robert Plomin, Laurent Alexandre s’est engagé sur des perspectives très négatives dans le rattrapage français dans la course à l’innovation numérique. « Nous n’allons pas avoir de miracle pour compenser l’échec naturel de l’école et qui n’est pas de la faute de l’école ». Pour lui, aucune technologie « significative » n’est à notre disposition pour réduire les « inégalités intellectuelles ». « C’est un vrai problème dans une économie de la connaissance ».

Dénonçant la « pensée magique sur l’école » et appelant à « sortir des mensonges politiques en matière d’éducation », le chirurgien s’en est ensuite pris à ces « concepts tous plus foireux les uns que les autres ». « Tous codeurs, en imaginant qu’on allait permettre à tous les enfants d’apprendre le Python [un langage de programmation, NDLR] alors qu’il y a un enfant sur quatre ou sur cinq qui capable de faire du codage informatique. Le slogan “Tous codeurs” est aussi débile que tous astrophysiciens ou tous pilotes d’Airbus ou tous chirurgiens. C’est totalement irréaliste ».



Ces sombres perspectives et ce discours ont laissé quelques sénateurs et sénatrices sceptiques, voire pantois. « J’aurais aimé penser — mais je suis peut-être dans l’erreur, hein — que le fait de solliciter le cerveau humain dans l’apprentissage à apprendre, donc au niveau de l’éducation, pouvait le faire évoluer dans le bon sens », a réagi la sénatrice LR Catherine Fournier.

Le sénateur du groupe RDSE (à majorité radicale), Guillaume Arnell, s’est lui aussi montré gêné par le tableau dépeint par le scientifique. La réaction la plus virulente est venue du sénateur (communiste) Fabien Gay, pour qui le chiffre mis en avant par Laurent Alexandre est « extrêmement dangereux ». « Ça peut poser problème. Ce discours-là peut nous mettre face à une situation politique difficile. Je ne dis pas que nous sommes tous égaux […], mais vous vous arrêtez à la question génétique, mais vous ne dites pas qu’il y a aussi des aspects sociaux et culturels. Ça peut être laissé à interprétation. »

« On a caché l’échec des dédoublements des classes de CP », accuse Laurent Alexandre
Laurent Alexandre affirme avoir été « mal compris ». « La grandeur de l’humanité, c’est de casser les déterminismes génétiques et pas de les nier », martèle-t-il, appelant à investir « massivement » sur la recherche en pédagogie, comme la science l’a fait pour la recherche contre le cancer.

Plus tôt, il s’était également attaqué à la mesure phare du quinquennat en matière d’éducation : le dédoublement des classes de primaire dans les réseaux prioritaires d’éducation. « On a caché l’échec des dédoublements des classes de CP. Ça n’a fait progresser les enfants que de 0,07 et 0,13 écart-type. Ce n’est quasiment rien, malgré une dépense considérable. »

Des critiques que n’a pas laissées passer Charles Torossian, directeur de l’Institut des hautes études de l’éducation et de la formation, présent dans la salle. « Nous avons réduit de 8 % les élèves les plus en difficulté, de 12 % en maths. Ce n’est pas encore spectaculaire, mais laissez le temps aux mesures de s’installer », a répliqué ce représentant du ministère de l’Éducation nationale.

À quel prix ? Pourquoi uniquement en banlieue immigrée ?

Voir aussi

Pourquoi l’éducation jouerait un rôle moins important qu’on ne le pense (résumé notamment des travaux de Plomin).

« L’école forme des enfants qui vont être laminés par l’intelligence artificielle »

Très faible impact du dédoublement très coûteux des classes en « banlieues difficiles »

Trop d’enfants turbulents ou pénibles classés « précoces » ou « doués » ?



Belgique — 60 % des députés flamands contre l'allongement des délais de l'avortement, 90 % des députés francophones pour

En Belgique, 90 % des députés francophones votent en faveur de l’allongement des délais de l’avortement alors que 60 % des députés flamands sont contre et que deux sondages indiqueraient que 65 à 75 % de la population francophone est contre ce énième projet de loi.


On assiste à une forte mobilisation en Belgique contre le ixième projet de loi bioéthique de libéralisation totale de l’avortement porté par une majorité dite « progressiste » de 60 % du parlement tandis qu’une lettre de 750 médecins et soignants opposés au projet de loi vient d’être publiée.

Après deux premiers votes reportés en commission parlementaire en deux semaines, les partis opposés viennent de réussir à le reporter une nouvelle fois d’une semaine, voire de deux.

Le Centre d’Action Laïque, à la pointe du lobby proavortement

Derrière ce ixième projet de loi proavortement, le très puissant lobby du Centre d’Action Laïque (CAL) qui en fait une croisade depuis des années. https://www.abortionright.eu/

Le Roi Baudouin avait mis sa couronne en jeu en 1990 sur cette question.

Cette fois, le CAL a rassemblé une majorité dite « progressiste » de 60 % des voix (90 députés sur 150), familles communistes-socialistes-vertes-libérales du nord et du sud du pays, composée de :
  • D’une part, 90 % des 59 députés francophones, soit tous les partis hormis le CdH (ex-social-chrétien devenu « humaniste ») et l’un ou l’autre député MR (centre libéral).
  •  D’autre part, une minorité de 40 % des 91 députés néerlandophones. En effet, la majorité flamande constituée de la NV-A (centre droit nationaliste), du CD&V (chrétien-démocrate) et du VB (droite nationaliste) s’oppose au projet de loi. À noter que les 2 candidats à la présidence du CD&V se sont clairement exprimés contre ce projet de loi et en font une condition à leur entrée dans un gouvernement.

Ainsi, alors que le projet de loi n’est même pas encore voté, la RTBF qui ne cache pas son parti-pris diffuse déjà des sujets pour préparer les femmes à cette nouvelle loi. Hier soir encore, un « débat  cqfd » sur la RTBF avec deux invités pro-IVG et des questions non pas liées au projet de loi, mais à l’amélioration des techniques et à la prise de décision des IVG. Par contre, en Flandre, les médias se montrent plus sceptiques, reflétant leur majorité hostile à ce projet de loi.

Réaction d’experts en humanité et la lettre des 750 médecins et soignants

Fait historique en Belgique ce mardi 26 novembre : une lettre ouverte a rassemblé 750 signatures de professionnels de la santé en 4 jours et a été publiée dans la presse : 27 gynécologues, 45 professeurs d’université, médecins et personnel soignant. (Lettre publiée simultanément dans 2 grands quotidiens belges : francophone, La Libre, et néerlandophone, De Morgen).

Les « 750 » demandent une pause sur ce sujet, a fortiori en l’absence d’un gouvernement avec une majorité assise. D’ailleurs, le CAL profite explicitement de l’absence de gouvernement pour « enfin faire passer cette loi qui pourrait être bloquée par un des partenaires de la future majorité ».

Le texte dépénalise complètement l’avortement aussi bien pour les femmes que pour les médecins, allonge à 18 semaines le délai dans lequel un avortement peut être pratiqué et réduit à 48 heures le délai de réflexion. « À 18 semaines, nous nous trouvons face à un être humain déjà formé », affirment ces signataires dans une tribune libre publiée mardi par le journal La Libre. « À l’heure où médecins et éducateurs s’efforcent d’éduquer les jeunes en les encourageant à vivre une sexualité responsable — pour eux-mêmes et pour les autres — l’allongement du délai légal à 18 semaines envoie un signal contre-productif de déresponsabilisation et banalisation », ajoutent-ils.

Par ailleurs, des signes indiquent une forte différence entre le choix des partis francophones à 90 %  favorables au projet de loi et l’opinion publique (rappelons que l’élection n’a évidemment pas tourné autour de cette extension à l’avortement) :

  • 75 % des 1 600 votants d’un sondage RTL s’opposent à l’avortement à 18 semaines, 4,5 mois
  • 65 % des 7 783 votants sur la question du jour, le sondage de La Libre s’opposent à la nouvelle loi
Le député MR (Mouvement Réformateur, principal parti « de droite ») Michel De Maegd a prudemment retiré sa signature de la proposition de loi vendredi dernier pour temporiser

Les positionnements bioéthiques ne font cependant pas l’unanimité au sein des différents partis ayant déposé la proposition de loi.

La suite, une loi pour Noël ou pour le Carnaval ?

Le projet de loi est toujours en discussion à la commission de la chambre des députés. Une majorité le soutient, mais les opposants suscitent le nécessaire débat. Vers le 16 décembre, le projet de loi arrivera à la chambre. À ce moment, il suffira de l’accord de 50 députés sur 150 pour envoyer le projet à l’analyse du conseil d’État, ce qui prendra encore un peu de temps. D’ici là, peut-être aurons-nous un gouvernement belge ? Il se sera mis d’accord sur un programme commun. Il est possible que ce projet de loi ait été « avorté » dans ces négociations qui auront duré plus de 18 semaines si un des partis flamands opposés à cette extension est inclus dans cette coalition gouvernementale.

À noter l’éditorial de Francis Van de Woestyne (la Libre) qui dit notamment ceci :

Il est cependant regrettable que cette proposition (...) n’ait pas fait l’objet d’un très large débat entre parlementaires issus des dernières élections qui aurait permis, peut-être, de mieux cerner les enjeux éthiques, philosophiques, chirurgicaux de cette proposition. Aujourd’hui, le discours dominant impose l’idée que l’avortement est une intervention médicale ordinaire et que tout qui s’oppose à l’allongement du délai est, nécessairement, un conservateur, peu soucieux de l’intérêt des femmes. Ce serait une erreur de le croire. Car il ne s’agit pas, en l’occurrence, d’un simple débat entre le monde laïque et les catholiques. La société est ici face à un débat de civilisation qui touche à la définition même de l’être en devenir. L’argument avancé par les tenants de cette proposition, soulignant qu’en Grande-Bretagne le délai est de 24semaines, est partial. Plus de la moitié des pays européens ont fixé la limite à 12 semaines. Dans les centres prénataux, en Belgique et ailleurs, on sauve les prématurés de plus de 24 semaines... Cette question mérite un vrai débat de fond, sans caricatures, de part et d’autre.
Rappelons qu’au Canada, une femme peut avorter son enfant jusqu’à quelques instants de sa naissance puisqu’aucune loi ne restreint les délais de l’avortement.

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