mardi 1 novembre 2016

La Cour d'appel de Colombie-Britannique défend l'université Trinity Western et déboute le Barreau

La Cour d’appel de la Colombie-Britannique a rejeté un recours porté par le Barreau de la province qui remettait en cause la reconnaissance des diplômes des futurs étudiants en droit de l’Université Trinity Western.

Les cinq juges de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique ont statué aujourd’hui à l’unanimité en faveur de l’Université Trinity Western (TWU). La décision de mardi confirme un jugement de la Cour suprême de la Colombie-Britannique en 2015 qui avait dénoncé le Barreau local parce qu’il avait décidé de refuser de reconnaître les diplômés de l’établissement chrétien situé à Langley en banlieue de Vancouver.

Au cœur du débat est l’obligation des étudiants de l’Université Trinity Western de s’engager à ne pas avoir de relations sexuelles en dehors des liens sacrés du mariage traditionnel. L’Université Trinity Western fait signer à ses 3600 étudiants et membres du personnel un code de conduite qui les empêche d’avoir des relations sexuelles « qui violent le caractère sacré du mariage entre un homme et une femme. » Cet engagement exige également que les enseignants, le personnel administratif et les étudiants s’abstiennent de commérer, de calomnier, de mentir, de tricher, de voler, de se saouler ou de s’adonner à la pornographie.

Le Barreau de Colombie-Britannique estime que cette obligation est discriminatoire envers les homosexuels et les lesbiennes qui souhaitent devenir avocats en étudiant à cette université...

Le tribunal a jugé qu’il s’agissait d’une affaire portant sur la neutralité de l’État et le pluralisme. Il a souligné que l’effet de refuser d’accréditer les futurs diplômés de la faculté de droit de la TWU consisterait en un préjudice « sévère » sur la liberté de religion des élèves et des professeurs de la TWU et que « les membres de cette communauté ont le droit d’établir un espace où exercer leur liberté de religion ».

Le tribunal a jugé que la Charte existe pour empêcher que l’opinion majoritaire ne soit imposée aux minorités religieuses en l’absence d’une « preuve de préjudice réel », même si la majorité démocratique croit qu’elle agit dans l’intérêt public et avec des motifs altruistes. Le tribunal a noté que « le désaccord et l’inconfort avec les points de vue des autres est inévitable dans une société libre et démocratique. »

Citations de la décision de la Cour (notre traduction) :

    [190] La communauté TWU a le droit de professer et pratiquer ses croyances, en l’absence de preuve d’un préjudice réel. Agir de la sorte est une expression de son droit à la liberté de religion. La décision du Barreau de ne pas reconnaître la faculté de droit de Trinity Western prive ces chrétiens évangéliques du plein exercice de leurs droits fondamentaux, religieux et associatifs, que l’article 2 de la Charte leur confère par ailleurs.

    [193] Une société qui refuse ou ne pas tient compte des différences ne peut être une société libre et démocratique — une société dans laquelle ses citoyens sont libres de penser, d’être en désaccord, de débattre et de contester l’opinion dominante sans crainte de représailles. Cette affaire démontre qu’une majorité bien intentionnée agissant au nom de la tolérance et du libéralisme peut, si on ne s’y oppose pas, imposer ses points de vue à la minorité d’une manière qui est en elle-même intolérante.


La Cour suprême du Canada

La décision de mardi ne sera probablement pas le dernier mot dans cette affaire. En juin, la Cour d’appel de l’Ontario a donné raison au Barreau du Haut-Canada, qui ne veut pas reconnaître les diplômés de Trinity Western. L’Université a ensuite déclaré qu’elle ferait appel à la Cour suprême du Canada.

Au Canada, cinq barreaux ont accordé leur accréditation à la faculté de droit de l’Université Trinity Western, soit ceux de l’Alberta, de la Saskatchewan, du Manitoba, du Nouveau-Brunswick et de l’Île-du-Prince-Édouard. Le Barreau de Terre-Neuve-et-Labrador ne s’est pas encore exprimé.

En 2001, la Cour suprême du Canada a confirmé le droit de Trinity Western de fonctionner comme une université chrétienne selon ses valeurs chrétiennes, statuant que les politiques basées sur la foi de l’école ne doivent en aucun cas être interprétées comme un obstacle à l’accréditation. Huit des neuf juges du plus haut tribunal avaient déclaré que « [e] n tenant compte des préceptes religieux de l’UTW au lieu de l’incidence réelle de ces croyances sur le milieu scolaire, le BCCT [Collège des enseignants de la Colombie-Britannique] s’est fondé sur des considérations non pertinentes. Il a donc agi inéquitablement. » Le Collège des enseignants de la Colombie-Britannique n’avait eu à l’époque d’autre choix que d’approuver le programme de formation des enseignants de l’UTW.

Source : l’arrêt Université Trinity Western et Brayden Volkenant c. le Barreau de la Colombie-Britannique (en anglais)

Voir aussi

Diplômés d’une université chrétienne ne pourront pratiquer le droit en Ontario et en Nouvelle-Écosse



France — le gouvernement socialiste vise désormais la liberté de programme des écoles indépendantes

Résumé de la situation par Anne Coffinier, présidente de la Fondation pour l’école. Rappelons que, contrairement au Québec, les écoles non subventionnées par l’État en France sont libres de choisir leur programme, leur pédagogie et leurs enseignants. En effet, ceux-ci ne sont pas obligés d’être passés par une faculté d’éducation pendant des années comme au Québec, ils peuvent être des diplômés de leur branche : des historiens, des germanistes, des physiciens et avoir reçu une brève formation supplémentaire d’enseignant. Dans la pratique, les programmes des écoles indépendantes s’alignent fortement sur le programme gouvernemental en fin de scolarité afin de permettre à leurs élèves de décrocher le bac français (le DEC québécois).

Après le rejet par le Sénat du projet de passage au régime d’autorisation pour les écoles indépendantes, où en est la bataille pour la liberté scolaire ? Un point s’impose.
Le Ministère de l’Éducation nationale porte actuellement deux projets :

– changer les modalités d’ouverture des écoles hors contrat (par ordonnance législative, ce qui requiert un vote d’habilitation du Parlement)

– contraindre les écoles indépendantes à appliquer les programmes des écoles publiques, en dépit de leur droit à la liberté des programmes consacré par la loi

Où en sommes-nous ?

– Sur le régime d’ouverture

Dans un premier temps, l’Assemblée a accédé aux demandes du gouvernement. Le Sénat a voté contre en proposant de maintenir le régime de déclaration en renforçant les conditions à respecter. La Commission mixte paritaire vient d’échouer sur le texte qui passe — et ce sera la dernière étape législative — devant l’Assemblée nationale le 7 novembre prochain. La probabilité de l’adoption du projet du gouvernement est très forte, la majorité à l’Assemblée nationale ayant l’habitude de suivre les directives gouvernementales. Pourtant la nocivité du projet de passer à un régime d’autorisation a été dénoncée par toutes les parties sans exception, y compris par des élus communistes ou écologistes donc issus de la majorité gouvernementale. L’autisme du gouvernement sur ce sujet est total ! Veut-il vraiment empêcher le développement d’écoles radicalisantes ou hostiles à l’unité nationale ou poursuit-il le but de tordre le cou à la liberté scolaire ?

Les écoles indépendantes connaissent une progression fulgurante (93 ouvertures à cette rentrée). Plutôt que d’en freiner l’ouverture, ne serait-il pas temps pour l’État de se féliciter de leur développement et d’en faciliter le déploiement ? Ce changement de régime d’ouverture semble franchement inconstitutionnel. Nous ne pouvons dès lors qu’espérer que le Parlement défère le texte au Conseil constitutionnel.

– Sur le contrôle des connaissances

Le Code de l’éducation le dit sans hésitation (art 442-3) : les écoles hors contrat sont entièrement libres de leur programme. C’est l’une des dimensions essentielles de leur liberté.

Alors pourquoi Mme Najat Vallaud Belkacem veut-elle nous imposer de respecter les programmes de l’Éducation nationale et enjoint-elle à ses inspecteurs de vérifier cela ?

Un décret dans ce sens est sur le point d’être signé : il viole la loi et l’esprit de la loi. L’État ne finance pas le secteur hors contrat. Au nom de quoi lui imposerait-il de respecter ses programmes scolaires dont la médiocrité et le caractère idéologique sont dénoncés par tous ? Les écoles indépendantes ont droit à une vraie liberté, pas à la liberté de faire comme l’Éducation nationale. Les écoles indépendantes réclament d’être « libres de leurs méthodes et comptables de leurs résultats ». Le système éducatif public a le triste privilège de n’être soumis à aucune évaluation (à part le classement PISA, établi à l’initiative de l’OCDE). Les écoles indépendantes n’ont pas peur des évaluations de leurs résultats, mais contestent la légitimité de l’Éducation nationale, à la fois juge et partie, à juger de leurs méthodes pédagogiques.

La Fondation pour l’école maintient sa vigilance en alerte, et est prête à engager les recours juridiques qui s’imposeront devant le caractère illégal et anticonstitutionnel de ces mesures.

Anne Coffinier