jeudi 7 avril 2016

ECR — La surprenante ignorance de Georges Leroux et la sélectivité de Daniel Baril

Lettre ouverte de Daniel Baril, Conseiller au Mouvement laïque québécois et à l’Association humaniste du Québec, des organismes qui ne portent pas le christianisme dans leur cœur.

Quelques commentaires de ce carnet [entre crochets en italique.]

Le texte de M. Baril est en retrait et précédé d'un grand guillemet rouge («).


Texte de M. Baril :

«
Dans son livre, le philosophe présente une défense complaisante et naïve du cours ECR, ignorant la manière dont il est enseigné

Les considérations philosophiques de Georges Leroux demeurent totalement décrochées des contenus d’enseignement et à mille lieues de la réalité de la classe, estime l’auteur.

On ne peut qu’être d’accord avec Georges Leroux lorsqu’il affirme, dans son entrevue au Devoir, que le cours Éthique et culture religieuse doit être remis en question : « Il faut voir ce que les élèves ont appris, ont retenu. Est-ce que ça marche sur le terrain ? Est-ce que les profs sont bien formés ? etc. Toutes ces questions doivent faire partie d’un processus d’évaluation complexe », faisait-il valoir.

[Note du carnet : Encore faudrait-il préciser ce que « marche » veut dire : le cours n’est pas encyclopédique, ne prescrit quasiment rien de précis pour ce qui est des faits, des phénomènes religieux à étudier, aucun doctrine n’est à connaître vraiment. 

On ne pourra donc demander aux enfants soumis à une évaluation commune (et donc comparable) d’énoncer des faits sur les religions ou l’éthique (à part une série « d’entraves au dialogue ») et encore moins de les expliquer.

Faudra-t-il donc évaluer un changement idéologique des enfants ? Mais lequel ? Leur faire dire que tout le monde il est gentil, toutes les religions sont dignes de respect ? Aucune ?]

«Cela, en marge de son dernier essai, Différence et liberté (Boréal), qui en est pourtant un ouvrage de défense et de promotion tous azimuts du cours ECR. On a beau chercher dans les 350 pages de cette brique un quelconque questionnement sur les orientations du cours ou une quelconque remise en question des contenus, on n’en trouve aucun. Tous les écrits de M. Leroux sur le cours ECR pèchent par une approche intellectualiste dont les ancrages avec les contenus ne vont pas au-delà des pieux énoncés du « vivre-ensemble » et de la « pratique du dialogue ». Ses considérations philosophiques demeurent totalement décrochées des contenus d’enseignement et à mille lieues de la réalité de la classe.

[C’est exact. De toute façon, dans la réalité, nous le tenons de milieux bien informés dans certaines commissions scolaires, le cours ECR est la première victime quand on manque de temps pour d’autres matières ou d’autres activités plus importantes comme le français ou le sport.]

«Au Devoir, l’auteur déplore que l’islam ne fasse pas partie des contenus du cours. C’est dire à quel point il ignore les contenus de ce programme qu’il a pourtant contribué à mettre sur pied. L’islam fait bel et bien partie des contenus obligatoires, tant au primaire qu’au secondaire, comme on peut le lire dans le programme : « L’enseignant doit s’assurer que […] l’islam est traité à plusieurs reprises au cours d’un cycle. » Cela, au même titre que le christianisme, le judaïsme, les religions orientales et les spiritualités amérindiennes.

[Leroux a tort stricto sensu : le programme demande bien de parler un peu de l’islam, mais nous pensons que le philosophe aurait voulu qu’on enseignât davantage les doctrines de l’islam pour lutter contre le radicalisme. Notons, au passage, que Leroux semble avoir un faible pour l’islam qu’il idéalise d’une certaine façon, il faut l’avoir entendu la gorgée nouée se souvenir avec nostalgie d’un voyage de jeunesse à Damas sur le sujet. Il pense aussi que c’est la « nouvelle culture, islamique, [qui] permettait ce dialogue authentique » entre Jean Damascène et l’islam. Oubliant que c’est Jean Damascène, habitant d’une ville encore très majoritairement chrétienne, qui s’intéresse à l’islam et nullement l’inverse. Bref, d’« un dialogue » à sens unique.

Mais l’étude des doctrines comparées est en fait exclu du cours ECR, le volet religion ne s’intéresse qu’à la surface, aux rites, aux phénomènes, aux récits, mais jamais bien en profondeur et aucun texte précis ne doit obligatoirement être étudié.

Extrait du préambule du programme du secondaire (p. 4/86)

Pour l’avocat Me Mark Phillips, ECR est tout sauf un cours d’histoire des religions. En réalité, le programme ECR interdit de donner un tel cours :



Ainsi, le programme ECR interdit de présenter les religions de manière séquentielle et linéaire, mais prescrit qu’elles doivent être présentées en juxtaposition entre elles et avec des êtres mythiques et surnaturels. Ce qui ne veut pas dire, en passant, que tous les professeurs suivent ces prescriptions.

De toute façon, il est très douteux que l’enseignement des doctrines de l’islam par une athée québécoise féministe ait le moindre effet positif sur de jeunes musulmans tentés par la radicalisation.]

«On remarque que la philosophie humaniste est exclue de la liste.


[Ce n’est pas exact. Voir un extrait du site gouvernemental sur le contenu du cours ECR :


Ainsi que dans le programme du secondaire (p. 45 [543]), chapitre 9 : 


Voir aussi L’athéisme bien enseigné grâce à certains cahiers d’éthique et culture religieuse. Et puis C’est à l’école que je suis devenu athée, lors d’un cours d’histoire des religions.]

«Que dit Georges Leroux au sujet de cette exclusion de l’incroyance, de l’athéisme ou de la non-observance religieuse ? « Ce reproche est mal fondé : dans leur essence, les conceptions séculières relèvent justement de la discussion éthique et sont pleinement présentes dans le programme », écrit-il.


[Georges Leroux n’a pas tort. Les conceptions « séculières » auront d’ailleurs probablement le dessus dans les discussions « éthiques » car elles épousent la doxa distillée tous les jours par les médias dominants. Elles paraîtront « normales », moins contraignantes, plus « naturelles ». Voir Cours de rhétorique et de décryptage des médias à l’école plutôt que des cours d’éducation civique et morale et de débats reproduisant le doxa médiatique]

«Le fait que le volet éthique soit construit sur un humanisme non religieux règle selon lui le problème de l’exclusion de l’incroyance des contenus du volet religieux. Le volet éthique ne discute aucunement des interprétations non religieuses du monde et des modes de vie sans référence au religieux.

[Cette dernière phrase nous paraît creuse ou fausse. Quand les manuels parlent d’avortement ou du clonage, ils présentent des prises de position sans aucune référence au religieux. C’est le moins qu’on puisse dire. Les débats éthiques sont en pratique souvent biaisés par le prêt-à-penser très « séculier ». Voir  Omissions et critiques pédagogiques du chapitre sur le clonage d’un livre d’ECR pour la 2e secondaire et Erreurs et imprécisions dans le chapitre sur le clonage d’un livre d’ECR pour la 2e secondaire.]

«Un silence n’annule pas une omission. Ensuite, l’auteur ajoute : « Rien ne serait plus dommageable à un programme d’éducation au pluralisme que la mise en contradiction systématique du religieux et du séculier. Insister donc sur la séparation de la représentation non confessionnelle de la culture religieuse et des conceptions séculières, c’est protéger l’objectivité. » Exit la formation de la pensée critique.

Autrement dit, pas question de critiquer la religion ni de contrebalancer la présentation des croyances et mythologies religieuses par le fait qu’une majorité de citoyens vit très bien sans références religieuses. M. Leroux a dit et écrit à plusieurs reprises qu’« un programme de culture religieuse doit inculquer le respect absolu de toute position religieuse ». C’est ce qu’il répète en d’autres mots dans son dernier ouvrage où, selon ce qui y est insinué, critiquer les religions signifie être hostile aux religions. On aura remarqué la communauté de pensée avec ceux qui affirment que critiquer l’islam, c’est faire preuve d’islamophobie.

Plusieurs sophismes

L’auteur consacre dix pages aux objections laïques envers le cours ECR dans lesquelles il concentre ses attaques antilaïques contre le Mouvement laïque québécois, mais sans jamais citer aucune phrase ni même donner aucune référence des écrits du MLQ. Pour la rigueur intellectuelle, il faudra repasser. Son analyse n’est alors basée que sur des impressions subjectives fondées sur on ne sait quoi, ce qui amène le philosophe à commettre plusieurs sophismes. Par exemple, le fait que le MLQ réclame le retrait du « volet culture religieuse » du cours ECR semble signifier à ses yeux que les « laïcistes ultrarépublicains », comme il nous appelle, sont contre la culture religieuse en soi.

En raison de son approche exclusivement intellectualiste et de son étonnante méconnaissance des contenus du cours, M. Leroux est convaincu que les contenus religieux sont des contenus culturels, comme en témoigne l’expression « représentation non confessionnelle de la culture religieuse » citée plus haut. Le cours transmet pourtant les croyances, les dogmes et les pratiques de toutes les religions du monde.

[Très très peu et ces rapprochements peuvent très bien, chez les jeunes enfants, diminuer la crédibilité de leur proche tradition religieuse. Enfin, sans doute, chez les moins convaincus.

Pour dire vrai, M. Baril nous paraît un peu extrémiste. Le cours n’est pas du tout un cours religieux, il doit enseigner un vague respect de la religion (pas de manière très convaincante et pas en éthique nécessairement), c’est ce vague respect qui horripile M. Baril.]


«D’un enseignement confessionnel, nous sommes passés à un enseignement multiconfessionnel. Comment peut-on penser transmettre aux enfants de 6 ans des « représentations non confessionnelles » de croyances confessionnelles telles que la Révélation, les anges, le paradis, l’Immaculée Conception, la réincarnation, le déluge, le créationnisme, les rois mages, les miracles, la résurrection, l’ascension de Mahomet, la naissance de Bouddha ?


[M. Baril oublie Superman, les divinités mythologiques, le père Noël, le Noël des souris, etc.]

«Georges Leroux a-t-il jeté un coup d’œil aux manuels utilisés en classe ? Est-il au courant des devoirs que l’on fait faire aux élèves ? Sait-il qu’on leur demande de rédiger des prières, d’illustrer leurs croyances, de présenter leurs rituels religieux, de témoigner de leurs pratiques, d’apprendre à manger hallal et à balancer leurs chakras ?


[Et d’inventer sa propre religion ! Si ce n’est pas instiller l’idée que la religion est le fruit de l’imagination humaine, une chimère ! Voir « Youpi, ma religion à moi ! » et Après « Youpi, ma religion ! », « Ma religion de rêve » 


]

«Sait-il que les modèles de vie présentés ne sont que des modèles de croyants pratiquants ?


[Pour exemplifier les différentes religions auprès des jeunes élèves, c’est vrai. Et il est vrai que cela peut renforcer des stéréotypes. Mais comment satisfaire tout le monde avec un seul cours obligatoire dès 6 ans ?]

«Réalise-t-il que ces modèles excluent 80 % des élèves de la classe ? Sait-il que le volet religieux est en flagrante contradiction avec le volet éthique quant aux valeurs comme l’égalité des sexes, la liberté de conscience et l’égalité des religions ?


[C’est faux pour l’égalité des religions. Elles sont, en théorie, traitées comme aussi (peu) dignes les unes que les autres. Baril vient pourtant de s’en plaindre en citant M. Leroux : « un programme de culture religieuse doit inculquer le respect absolu de toute position religieuse ».

Pour l’égalité des sexes, il y aurait beaucoup à redire. Qu’est-ce que les luthériens préconisent et qui va à l’encontre de l’égalité des sexes ?]
 
«Manifestement non. De toute façon, tout cela, c’est de la culture, n’est-ce pas ? Chercher à nous faire passer ces contenus confessionnels et doctrinaires au nom de la culture est une véritable aberration intellectuelle.

Dans son prologue, Georges Leroux reconnaît qu’il a souvent fait preuve de naïveté dans sa conception du pluralisme.

[Faute avouée serait à moitié pardonnée si M. Leroux ne s’entêtait pas par dogmatisme à vouloir rendre obligatoire et à étendre un programme dont on ne connaît même pas, il le reconnaît lui-même, les effets !]

«Il érige pourtant cette fois-ci le pluralisme au rang d’un « humanisme de la différence ». On se serait attendu à ce qu’un philosophe mise plutôt sur l’humanisme universel afin d’outiller l’école dans la lutte contre les clivages sociaux et les replis identitaires. Force est de reconnaître qu’il lui reste encore beaucoup de naïveté. Dans un volume collectif à paraître l’été prochain, nous présenterons un tout autre regard sur le cours ECR afin d’en révéler la face cachée ainsi que les contenus méconnus des parents. »




[Osons espérer que M. Baril se renseignera lui aussi.]

Voir aussi

Georges Leroux sur le cours ECR en 2008 : Il faut « s'interroger sur quelque chose qui pourrait s'apparenter à de la folie... Actuellement, personne au Québec ne mesure l'amplitude du changement et ses conséquences réelles ». Huit ans plus tard selon M. Leroux personne ne le sait encore.



Georges Leroux ne sait pas si le cours ECR est efficace, mais il demande qu’on s’en inspire dans les programmes d’histoire et d’éducation civique

George Leroux : L’État doit viser à déstabiliser les systèmes absolutistes de croyance des parents

Georges Leroux — le pluraliste jacobin (1 sur 2)

Georges Leroux — le pluraliste messianique (2 sur 2)

Musulmane laïque : « Éthique et culture religieuse : un programme à revoir »

Québec — Radicalisation d’enfants d’immigrés éduqués à l’école du « dialogue » et du « vivre ensemble »

Teacher and principal: “ERC courses are considered irrelevant by most students and teachers whom I know.”



2 commentaires:

Roncoroni a dit…

Merci, très instructif.

Leroux et Baril en prennent vraiment pour leur grade. Mais comme ils sont des progressistes, Le Devoir les publie sans problèmes !

Le Saguenéen a dit…

George Leroux et ce Daniel Baril sont deux personnages intolérants qui veulent imposer leur vision du monde à tous les enfants des autres.

Ce sont des nouveaux missionnaires, mais l'État est désormais plus puissant que l'Église catholique et ses écoles (avant on pouvait fuir l'école catholique et aller dans le secteur protestant par exemple).