lundi 24 juin 2013

Discrimination positive : victoire partielle d'une étudiante blanche américaine

Devant la Cour suprême à Washington, la plaignante, Mlle Fisher,
désormais diplômée d'une université de Louisiane,
 après avoir été refusée par l'université du Texas.
La Cour suprême des États-Unis a accordé une victoire partielle aujourd'hui aux opposants de la discrimination positive (« action positive » selon l'OQLF) à l'université, en renvoyant devant la justice inférieure l'appel d'une étudiante blanche qui s'était plainte d'avoir été rejetée en raison de la couleur de sa peau.

La Cour d'appel du 5e circuit, au Texas, « doit estimer si les avantages accordés par l'Université étaient appropriés », a écrit la haute Cour dans son arrêt pris à la quasi-unanimité. « Il faut encore que la justice détermine si le système d'admission (à l'université) est appliqué de manière transparente », a-t-elle ajouté, avant d'annuler la décision de justice inférieure.

La Cour d'appel du Texas avait donné raison à l'université du Texas et estimé que la jeune fille blanche n'avait pas été discriminée par une politique de quotas favorisant l'accès des minorités raciales à l'université.

Après huit mois de délibérations, la haute Cour s'est décidée par sept juges contre un, le neuvième, la juge Elena Kagan s'étant récusée en raison d'un conflit d'intérêts dans cette affaire lié à ses précédentes fonctions.

Victoire partielle, le concept de « diversité » défendu

Pour la Cour suprême des États-Unis, la Cour d'appel « doit s'assurer qu'aucune autre (politique) neutre au niveau racial ne soit réalisable », a écrit le juge Anthony Kennedy pour la majorité de la Cour.

« Il faut encore que la justice détermine si le système d'admission (à l'université) est appliqué de manière légitime », a-t-il encore déclaré.

En attendant un nouvel arrêt de la Cour d'appel, la Cour suprême accorde ainsi une victoire temporaire aux opposants de la discrimination positive à l'université.

La décision de la Cour suprême est une victoire partielle pour les opposants à la discrimination positive à l'université, même si la haute Cour n'est pas revenue sur sa décision de 2003 Grutter c. Bollinger en vertu de laquelle les quotas raciaux ne violeraient pas la Constitution.

Elle rappelle que « la diversité du corps étudiant est un principe fondateur de l'État qui peut justifier le recours à la race dans les admissions à l'université » mais ajoute que « la race ne peut être considérée tant que les procédures d'admission ne sont pas passées au crible ».

Le ministre de la Justice, Eric Holder, s'est félicité de cette décision qui reconnaît « le principe fondateur du gouvernement d'assurer la diversité dans l'éducation supérieure. L'intérêt pour l'éducation de la diversité est crucial pour l'avenir de ce pays », a dit ce haut responsable afro-américain de l'administration Obama.

« Comme la Cour l'a reconnu à plusieurs reprises, l'inscription diversifiée d'étudiants favorise la compréhension, aide à casser les stéréotypes raciaux, aide les étudiants à mieux comprendre les gens de différentes races et prépare tous les étudiants à réussir et finalement à conduire une main d'œuvre et une société de plus en plus diversifiées », a-t-il ajouté

Pour le juge Clarence Thomas, la discrimination positive est comparable à la ségrégation

Dans une fougueuse opinion concordante au jugement de la Cour suprême Clarence Thomas (ci-contre) a déclaré que la politique d'admission de l'Université du Texas à Austin constituait une discrimination. Il a également comparé ce programme de discrimination positive à l'esclavage et à la ségrégation.

« Les propriétaires d'esclaves faisaient valoir que l'esclavage était une « bonne chose », car il permettait de civiliser les Noirs civilisés et de les élever dans toutes les dimensions de la vie », écrit le juge Thomas dans son opinion annexée à l'arrêt Fisher c. Université du Texas à Austin. « Un siècle plus tard, les ségrégationnistes affirmeront de même que la ségrégation était non seulement bénigne, mais avantageuse pour les étudiants noirs. »

Le juge Thomas cite dans son opinion l'affaire Brown c. Board of Education, un arrêt historique de la Cour suprême en 1954 qui a mené à la déségrégation des écoles publiques, en comparant la ségrégation et la discrimination positive.

« Suivant ces précédents de mauvais augure, l'Université voudrait nous faire croire que sa discrimination est également bénigne. Je pense que la leçon de l'histoire est assez claire : la discrimination raciale n'est jamais bénigne », écrit-il dans son opinion de 20 pages. « Les bonnes intentions professées par l'université ne peuvent excuser sa discrimination raciale pure et simple, pas plus que de bonnes intentions ne justifiaient les arguments désormais discrédités des esclavagistes et des ségrégationnistes. »

Discrimination positive contre-productive

S'appuyant sur les travaux de l'économiste notre Thomas Sowell, notamment Affirmative Action Around the World (2004), le juge Clarence poursuit :
« En outre, la discrimination de l'Université n'augmente en rien le nombre de Noirs et Hispaniques qui ont accès à une éducation post-secondaire en général. Au contraire, la discrimination de l'Université suscite un effet omniprésent de déplacement. L'Université reçoit des étudiants des minorités qui, autrement, auraient fréquenté des collèges moins sélectifs, mais où ils auraient été de bons étudiants mieux adaptés à la formation. Mais, en raison de cette mauvaise sélection, de nombreux Noirs et les Hispaniques qui auraient pu exceller dans les écoles moins sélectives sont placés dans des conditions qui ne peuvent qu'entraîner la sous-performance puisque leur formation scolaire préalable est moins bonne que celle de leurs concurrents blancs et asiatiques.

Mis à part les dégâts que ceci peut causer à la confiance en soi de ces élèves dépassés, il n'existe aucune preuve qu'ils apprennent plus à l'université que ce qu'ils auraient appris dans d'autres établissements pour lesquels ils sont mieux préparés. En fait, il se  pourrait qu'ils apprennent moins. »


La discrimination positive pour l'économiste Thomas Sowell

Dans son ouvrage Affirmative action around the Word publié en 2004 et que cite le juge Clarence Thomas, Thomas Sowell analyse les effets précis des politiques de discriminations positives en Inde, en Malaisie, au Sri Lanka et au Nigéria, quatre pays à la longue histoire multiethnique et puis les compare avec l'histoire récente des États-Unis à cet égard. Il constate que « Ces programmes ont eu, au mieux, un impact négligeable sur les groupes qu'ils étaient censé aider. »

Pour Sowell, lui-même Noir américain, ces politiques risquent fort d'être perpétuelles : « Les gens sont différents — et cela depuis des siècles... Toute politique « temporaire » dont la durée est définie par un but qui consiste à parvenir à quelque chose qui n'a jamais été atteint auparavant, peu importe le pays, devrait plutôt être qualifiée d'éternelle. »

À la lumière de l'étude comparative de ces cinq pays, on peut résumer les conséquences les plus fréquentes des politiques de discrimination identifiées par Sowell de cette façon :
  • Elles encouragent les groupes non privilégiés à s'identifier aux groupes privilégiés (c'est plus facile pour les métis) pour profiter des politiques de discrimination qui favorisent ces groupes;
  • Elles ont tendance à ne bénéficier essentiellement qu'aux plus fortunés parmi les groupes discriminés (par exemple les millionnaires noirs), souvent au détriment des plus démunis parmi les groupes non privilégiés (par exemple, les Blancs pauvres);
  • Elles réduisent les incitations, à la fois parmi les privilégiés et les désavantagés par ces politiques, à mieux faire — pour les premiers parce que cela n'est pas nécessaire et pour les seconds parce que cela peut s'avérer futile — entraînant ainsi des pertes nettes pour la société dans son ensemble.

Sowell conclut : « Malgré des prétentions mirobolantes en faveur des programmes de discrimination positive, un bilan de leurs conséquences réelles ne permet pas de soutenir ces allégations ou même de dire que ces programmes ont globalement été bénéfiques ».
Voir aussi

La décision de la Cour suprême des États-Unis (en anglais, pdf)

L’affirmative action au crible des discours néoconservateurs noirs (pdf, 12 pages)

Brésil — discrimination raciale et en faveur des diplômés des écoles publiques dans les universités

France — Discrimination positive dans les grandes écoles

Université contre la discrimination à l'encontre des handicapés mentaux...

Éthique — la discrimination est-elle un droit ?

Novlangue — OQLF prescrit « action positive » plutôt que « discrimination positive »

Québec — 60 % de la fonction publique est féminine, l'État se féminise et se « diversifie »

Recension de Economic Facts and Fallacies de Thomas Sowell