vendredi 17 février 2012

Déclaration de Me Mark Phillips avocat de S.L. lors de la conférence de presse de ce jour

Déclaration de Me Mark Phillips avocat de S.L. lors de la conférence de presse de ce jour (veuillez nous communiquer toute erreur de transcription pour correction) :

La Cour supérieure avait fondé sa conclusion en grande partie sur l'expertise d'un théologien. Ce raisonnement est critiqué et formellement rejeté par le juge Lebel [de la cour suprême]. Quant à la juge Deschamps, elle ne traite pas expressément de cette question et ne cherche nulle part à fonder son propre jugement sur l'expertise du théologien.

Il n'est pas sans intérêt d'ajouter que dans son mémoire, le Procureur général ne s'appuyait déjà plus sur cette expertise en théologie, qui avait pourtant été le principal fondement de sa victoire devant la Cour supérieure.

Ainsi, bien que le jugement de la Cour supérieure se trouve confirmé quant à son résultat, il se trouve répudié quant à son principal fondement.

Alors, si les appelants ont réussi à convaincre la Cour suprême du Canada du mal-fondé du raisonnement de la Cour supérieure, pourquoi ont-ils malgré tout échoué?

Selon le jugement de la Cour suprême rendu aujourd'hui, le problème tient à l'insuffisance de leur preuve du fait que le refus de l'exemption causerait une atteinte à leur capacité d'élever leurs enfants dans la foi catholique.

Le juge LeBel a bien résumé leur position ([47]) : si leur demande d'exemption reposait sur pas moins de six motifs, les appelants soutenaient essentiellement que le programme ECR ne se limite pas à une présentation des religions du monde, mais à prôner et à inculquer une certaine vision du monde. Et sur le plan de l'éthique, ils reprochaient au programme ECR d'aborder l'éthique d'une manière qui, pour citer le juge Lebel, « crée un vide moral chez les enfants en les obligeant à mettre de côté leurs valeurs religieuses ».

La plus grande déception des appelants touche cette conclusion. Leur déception repose sur le fait que, dans leur propre témoignage, Mme S.L avait soulevé de manière fort éloquente ses inquiétudes. Par ailleurs, les appelants ont présenté une preuve d'expertise [quatre témoins experts]. Et devant la Cour suprême, certaines caractéristiques troublantes du programme ont été exposées.

Il ressortait de cette preuve une foule d'éléments très importants, notamment les suivants :
(i) Quant à son volet culture religieuse, le programme ne consiste pas en une simple présentation des religions du monde. Il adopte plutôt une approche qui discrédite les religions aux yeux de l'élève en obligeant l'enseignant à toujours présenter les contenus religieux en juxtaposition avec des êtres mythiques et surnaturels. Dans les manuels, dont un seul était en preuve malheureusement [c'est le juge Dubois qui n'a pas voulu en admettre d'autres], cela amène souvent la présentation du Christ et d'autres figures religieuses à côté de personnages de bandes dessinées, par exemple. De la part des concepteurs du programme, il ne s'agit pas là d'un choix banal, ni d'un choix qui va dans le sens de la neutralité de l'État. Il s'agit plutôt d'un choix qui va dans le sens de décourager la croyance et la pratique religieuse, ce qui est interdit à l'État de faire, selon le juge Lebel [54].

(ii) D'autre part, il est important de dissiper la conception selon laquelle ECR ne serait qu'un cours sur les religions du monde. Il n'en est rien. Il s'agit plutôt d'un programme qui interdit formellement une exposition linéaire et séquentielle des religions. Il s'agit également d'un programme qui est donné de la première année du primaire à la dernière année du secondaire, sauf pour une année. Et il s'agit d'un programme dont les objectifs précisent clairement qu'il ne cherche pas à transmettre des connaissances aux élèves, mais plutôt à structurer leur vision du monde.
Ainsi, la position des appelants était fort simple. Quant à eux, ils ne sont nullement contre un apprentissage pour leurs enfants destinés à leur transmettre des connaissances concernant les autres religions. Bien au contraire. Mais Éthique et culture religieuse, ce n'est pas cela. C'est plutôt une forme d'endoctrinement, car ses méthodes pédagogiques laissent voir une volonté de banaliser la foi religieuse — et non seulement la leur, mais bien celle de toutes les croyances — et la promotion d'une approche à l'éthique qui écarte la morale religieuse.


De gauche à droite : M. Malek (Coptes), M. Lamontagne (CLÉ), M. Phillips (avocat), S.L. (la « mère ») et  Mme Morse-Chevrier (APCQ).

Une première constatation s'impose. Dans l'ensemble des instances judiciaires à travers lesquelles ce dossier a cheminé, aucun juge n'a analysé ni même résumé le rapport d'expertise par le professeur Guy Durand qui a été déposé par les appelants. Or, cette expertise faisait une démonstration convaincante de l'ensemble des éléments troublants que nous venons d'évoquer. Il est donc décevant de constater que la Cour suprême du Canada a conclu à une preuve déficiente.

La juge Deschamps et les juges qui ont souscrit à ces motifs abordent le problème comme si les appelants en avaient contre la simple exposition aux autres religions [37]. Avec égards, la position des appelants ne peut se résumer à cela. [Note du carnet : Me Phillips est très poli sur l'analyse superficielle de la juge Deschamps qui calque vraiment de très près celle du MELS.]

Quant aux juges Lebel et Fish, ils adoptent une analyse plus fine de la situation. Tout en concluant que les appelants, qui avaient le fardeau de preuve, ne s'étaient pas acquittés des exigences de ce fardeau, ils font plusieurs constatations importantes. Au terme de leur analyse, ils ne sont pas du tout prêts à écarter une appréciation du programme ECR qui aboutirait à conclure qu'il s'agit effectivement d'un programme qui vise à miner la croyance religieuse et qui, par conséquent, constituerait une immixtion inconstitutionnelle de l'État qui serait contraire au principe de la laïcité [53]. Ils concluent en insistant sur le fait qu'à l'avenir, il ne peut être exclu que la mise en application du programme ECR puisse porter atteinte à des droits fondamentaux.

Bref, les appelants, qui ont demandé l'exemption dès avant l'entrée en vigueur du programme, se butaient à des obstacles pratiques significatifs qui faisaient que leur preuve ne pouvait s'appuyer sur aucun vécu pratique de l'implantation du programme.

Ils ont perdu parce que, selon les règles de preuve, ce sont eux qui avaient le fardeau.

Mais le gouvernement, quant à lui, a également échoué. En effet, il faut se garder de conclure que le jugement d'aujourd'hui vient valider la constitutionnalité du programme. Les juges LeBel et Fish expriment ouvertement leurs doutes et appréhensions. Quant à la preuve d'expertise philosophique et théologique au soutien de la prétendue neutralité du programme, nulle part cette preuve n'est analysée.

En terminant, malgré le résultat décevant pour les parents, le dossier constitue un match nul, tout s'étant joué sur le fardeau de preuve.

À terme, il importe aux Québécois de rester vigilants. Ce dossier n'exclut aucune une nouvelle contestation qui, elle, serait couronnée de succès.



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Evangelical Fellowship of Canada: Supreme court rules on technicality

OTTAWA – This morning the Supreme Court of Canada released its decision in a case in which the Evangelical Fellowship of Canada (EFC) intervened. S.L., et al. v. Commission scolaire des Chênes, et al., a case originating in Quebec, sought to address the issue of whether parents have the right to choose the kind of education their children will receive, particularly in regard to religious instruction. The EFC presented written and verbal arguments at the May 18, 2011 hearing.

“We are disappointed with the decision,” states Don Hutchinson, EFC Vice-President and General Legal Counsel. “Historically, Canadian parents have had the right, affirmed by the courts, to teach morality and religion to their children from their perspective, or decide who will do so on their behalf, without government interference. The Supreme Court of Canada said nothing on those points in this decision. Rather, the Court hung their legal hat on a technicality, basically saying they were not making a decision on the issues at the heart of this case because the case was started before there was objective evidence of harm to children, parental rights or religious beliefs resulting from the Quebec curriculum as the ERC was not yet operative.”

“Essentially, it’s a technical decision based on the lack of evidence of harm in the record when the decision was made at the trial level, the first level of hearing at the Quebec Superior Court. Parents and other Canadians should see this for what it is, a non-decision on parental rights and religious freedom in which the Court has simply clarified the process for bringing and evaluating a complaint of a rights violation before the courts.”

At issue was the Ethics and Religious Culture (ERC) program, a mandatory course to be taught to all québécois children, from grade 1 to grade 11, whether they attend public or private schools, or are homeschooled. The course, which states its objective as the instruction of children in a manner that will promote tolerance and respect, thus equipping them to live a pluralist society, has proven to be polarizing and controversial. Its mandate, while on first appearance seeming at home in Canada’s multicultural society, actually challenges the rights and values of parents and their religious beliefs. Parents who felt that the program conflicted with their religious beliefs had their requests that their children be exempted from the program categorically denied, following which they started legal action in the courts.

“Regardless of the significant information introduced to the contrary, the Court stated that the parents had not objectively proven that the ERC program or the government’s refusal to permit exemptions from the course had violated their religious beliefs prior to the court action commencing,” states EFC Legal Counsel, Faye Sonier. “Justice LeBel noted, it’s ‘hard to tell what the emphasis the program will place on Quebec’s religious heritage and on the cultural and historical importance of Catholicism and Protestantism in that province will mean.’ He also pointed out that the ‘Court’s decisions have stressed the importance of neutrality in the public school system.’”

Sonier continued, “The Court has left the door open to a similar case returning to the court if an objective infringement of rights can be demonstrated, rather than a parental concern about infringement. What is troubling about the decision is that the Court could have dealt with the issue instead of setting it up for the potential to return in the four to seven years a similar fact situation will take to get through the court system again after somebody has the objective evidence of their rights being violated by the program.”

“Provinces across Canada permit classroom exemptions, either in regulation or practice, or other forms of accommodation. Further, the province of Quebec did not demonstrate why this course is mandatory to ensure a peaceful and tolerant society. At least the Supreme Court has sounded a warning to the provincial ministries of education to be reasonable or risk ending up before the Court with the potential for a decision that favours parental rights. It appears that the judges are hoping that the parents and politicians will work out a solution that keeps this situation from re-entering the court system,” explains Hutchinson.

For more information on the case, check out www.theEFC.ca/sl. For information on religious freedom in the education setting and parental rights, please visit www.theEFC.ca/education.




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Communiqué de la Coalition de la liberté en Éducation

La Coalition pour la liberté en éducation reçoit avec déception le jugement de la Cour suprême dans l’affaire S.L. c. la Commission scolaire des Chênes concernant une demande d’exemption au cours d’éthique et de culture religieuse (ECR).

Les parents n’ont jamais contesté la validité constitutionnelle du programme ECR, il contestait la constitutionnalité du refus d’exemption. Les parents s’opposaient à la manière imposée d'enseigner le programme d'ECR, programme qu’ils jugent, par ailleurs, superficiel et relativiste.

Selon le jugement rendu aujourd’hui, le pourvoi des parents est rejeté par insuffisance de la preuve fournie pour obtenir le droit à l’exemption.

Il s’agit selon nous d’un recul pour tous les parents québécois face au pouvoir du ministère de l’Éducation du Québec, car le plus haut tribunal du pays place la barre nettement plus haute pour les parents quand ils doivent demander une exemption. En pratique, la Cour impose aux parents des critères nettement trop stricts pour s’opposer à tout nouveau programme : il faudrait, selon elle, que les parents attendent que leurs enfants y aient été soumis pendant quelques années au programme contesté et que les parents présentent l’analyse de nombreux manuels, alors que ceux-ci n’étaient pas encore disponibles au moment du litige initial. Cette demande nous semble exorbitante pour le commun des mortels. Tous les parents québécois soucieux de la liberté scolaire devraient s’inquiéter du fardeau de la preuve qui leur est désormais imposé.

La notion que l’école est le prolongement de l’autorité parentale semble avoir été complètement évacuée au profit d’un État qui impose ses valeurs et ses programmes au mépris des réserves des simples citoyens et parents. Le déséquilibre des forces en présence entre l’État qui impose et le parent qui doit attendre d’avoir une preuve suffisante pour convaincre l’État qui n’aura pas les mêmes sensibilités philosophiques nous inquiète au plus haut point.

En effet, tous les juges reprochent que la preuve des parents était insuffisante parce que les enfants n’avaient pas suivi le cours ECR à l’époque de la demande d’exemption. Or, l’article 222 de la Loi sur l’instruction publique qui prévoit l’exemption n’exige pas la preuve d’un préjudice effectif, mais uniquement « pour ÉVITER un préjudice grave ». Il ne faut pas nécessairement l’avoir subi puisqu’il s’agit d’une mesure préventive, et non curative. Le tribunal n’aborde pas ce problème.

La CLÉ s’engage à continuer sa lutte pour la liberté scolaire de tous les parents québécois, dans ce dossier comme dans d’autres, et ne ferme pas la porte à une nouvelle contestation avec une preuve étayée par l’expérience récente, telle que le juge Lebel en évoque lui-même la possibilité dans sa conclusion. Sur le fond, le match nul que constitue ce jugement ne met pas fin à la controverse. Nous incitons les parents à communiquer à la CLÉ tout incident qui se produirait en classe.

Enfin, la CLÉ tient à féliciter la famille des parents qui ont défendu dans ce long combat les droits parentaux du Québec.

Coalition pour la liberté en éducation
http://www-coalition-cle.org

Contact :
Sylvain Lamontagne
450-532-5606




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