vendredi 11 mai 2012

Mémoire en appel de la Loyola High School et John Zucchi c. le ministère de l'Éducation, des Loisirs et du Sport


EXPOSÉ DES INTIMÉS

PARTIE I  —  LES FAITS

A. Aperçu

Les faits

1. L'État peut-il entrer à l'intérieur des quatre murs d'une école catholique confessionnelle et forcer celle-ci, le temps d'un cours, à abandonner son point de vue-catholique ? Et ce, dans un cours portant sur-la religion et l'éthique par surcroît ? Tel est l'enjeu du présent dossier.

2. Les intimés considèrent que cette question doit recevoir une réponse négative, car la thèse contraire irait à l'encontre des droits fondamentaux reconnus par les chartes québécoise et canadienne.

3. Cela dit, l'école intimée estime par ailleurs que le régime législatif et réglementaire actuel permet une solution du litige en droit administratif pur.

B. L'École secondaire Loyola

4. Fondée en 1534 par Ignace de Loyola, la Société (ou la Compagnie) de Jésus s'intéresse à l'éducation depuis ses débuts1.

5. En tant qu'ordre religieux, la Société de Jésus relève directement du pape et est tenue au respect des enseignements du magistère de l'Église catholique2.

6. L'intimée École secondaire Loyola (ci-après 1'« École») fut fondée en 18963. Elle est administrée par la Société de Jésus. Le président de l'École, l'aumônier et deux membres du personnel enseignant sont membres à part entière de la Société de Jésus4 .

7. Sur le plan juridique, l'École est une association personnifiée constituée en vertu de la Partie III de la Loi sur les compagnies, LR.Q., c. C-385.

8. L'École est par ailleurs régie par la Loi sur l'enseignement privé, L.R.O., c. E-9.1 et par les règlements adoptés sous son régime.

9. Le programme ministériel Éthique et Culture religieuse (ci-après « ECR »), mis en vigueur en 2008, comporte certains aspects qui ne permettent pas à l'École de le donner tout en restant fidèle à sa mission.

10. En effet, le proqrarnrne ECR, dans sa façon d'aborder l'étude des religions, dénature et jette un discrédit sur celles-ci6.

11. De plus, le programme ECR exige que l'École et ses enseignants abandonnent leur caractère et leur mission catholiques. En effet, le programme pour le secondaire énonce ce qui suit7:
« Posture professionnelle 
Pour favoriser chez les élèves une réflexion sur des questions éthiques ou une compréhension du phénomène religieux, l'enseignant fait preuve d'un jugement professionnel empreint d'objectivité et d'impartialité. Ainsi, pour ne pas influencer les élèves dans l'élaboration de leur point de vue, il s'abstient de donner le sien. »
12. Selon l'expert théologien Douglas Farrow, une école jésuite catholique serait en violation des règles canoniques qui la régissent en adoptant une telle posture professionnelle8.

13. I1 n'est par ailleurs pas contesté par l'appelant que le programme ECR forcerait effectivement l'École à abandonner son caractère et sa mission catholiques, le temps du cours.


C. La démarche de l'École

14. Dans le cadre d'une démarche qui est décrite en détail dans le jugement de première instance9, l'École a demandé à la ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport de l'exempter du programme ECR et ce, en vertu du premier alinéa de l'article 22 du Règlement d'application de la Loi sur l'enseignement privé, c. E-9.1, r. 1, qui se lit comme suit:

« 22. Tout établissement est exempté de l'application du premier alinéa de l'article 32 de la Loi sur l'enseignement privé (L.R.Q., c. E-9.1) pourvu. que l'établissement offre des programmes jugés équivalents par le ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport. »
15. Le programme équivalent de l'École se trouve articulé dans les Pièces P-1, P-2 et P-410.

16. Le programme ECR annonce deux grands objectifs, à savoir la reconnaissance de l'autre et la poursuite du bien commun. Le programme de l'École poursuit les mêmes objectifs11.

17. Le programme ECR propose l'apprentissage de trois compétences:
(i) comprendre le phénomène religieux;
(ii) réfléchir aux questions éthiques;
(iii) pratiquer le dialogue.
18. Le programme de l'École fait siennes ces mêmes compétences12 .

19. Plus particulièrement quant à la compétence «comprendre le phénomène religieux », le programme de l'École comporte, en plus de l'étude du christianisme catholique, les éléments suivants13:
(i) l'étude du judaïsme et de l'islam en première année du premier cycle du secondaire (secondaire 1); 
(ii) l'étude du paganisme gréco-romain en deuxième année du premier cycle du secondaire (secondaire Il);  
(iii) l'étude du judaïsme, de l'islam, du bouddhisme, de l'hindouisme et de la spiritualité autochtone en deuxième année du deuxième cycle du secondaire (secondaire IV); 
(iv) enfin, en troisième année du deuxième cycle du secondaire (secondaire V), la continuation de l'étude des religions du monde, ainsi que de divers modes de pensée non religieux.
20. L'École enseigne ce type de contenu depuis 25 ans. Dès notes de préparation d'examen préparées par l'École dans le passé font voir la diversité des religions que les élèves sont appelés à connaître et à rnaîtriser14.

21. Plus particulièrement quant à la compétence « réfléchir aux questions éthiques », le programme de l'École comporte non seulement l'étude de la morale catholique, mais aussi l'étude de celle qui découle de divers modes de pensée à la fois religieux et non religieux15. L'École recherche le développement d'un esprit critique chez 1'élève. Certes, l'École veut que l'élève comprenne la position de la morale catholique sur chaque sujet abordé. Mais le professeur cherche par ailleurs à susciter une discussion vive et dynamique dans la classe où tous les points de vue ressortent et au terme de laquelle l'élève est libre d'accepter ou de rejeter la position de l'Église catholique16.

22. Plus particulièrement quant à la troisième compétence, à savoir « pratiquer le dialogue », il y a lieu de noter que celle-ci est immanente à la pédagogie jésuite elle-même, telle que décrite par le directeur de l'École à partir d'un document intitulé What Makes a Jesuit School Jesuit17. En effet, l'essence même de l'école jésuite consiste à sensibiliser l'élève à la valeur de la collaboration et à lui inculquer la compréhension et le respect des religions de ceux qui l'entourent au sein d'autres communautés de foi. Ceux qui fréquentent une école jésuite sont appelés à vivre dans un milieu qui fait la promotion du respect de la différence et des bienfaits du dialogue interreligieux18.

23. Ainsi, le programme de l'École comporte les objectifs, les compétences et le contenu du programme ECR.

24. Il faut également ajouter que si l'École, dans son programme local, fait siens ces éléments du programme ECR, ce n'est pas à contrecoeur ni à titre de concession. En effet, selon l'enseignement de l'Église catholique, «le but que poursuit la véritable éducation est de former la personne humaine dans la perspective [...] du bien des sociétés dont l'homme est membre et dont une fois devenu adulte il aura à partager les obligations»19.

25. De plus, les élèves de l'École sont tenus de participer à un programme de service communautaire qui leur permet de mettre en application les valeurs qu'incarnent les objectifs du programme et les compétences apprises20.

D. La décision de la ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport

26. Le traitement de la demande de l'École est décrit dans le jugement dont appel21.

27. Qu'il suffise de dire que M. Jacques Pettigrew, membre du personnel du ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, a défini le critère de l'équivalence en fonction d'un critère de confessionnalité/non-confessionnalité.

28. Ainsi, mise à part la question de la présence ou non de la compétence du dialogue dans le programme de l'École (laquelle question sera abordée dans le cadre de l'argumentation ci-dessous), il appert de la lecture de la décision en cause dans le présent dossier" que la demande fut rejetée parce que l'École aborde la dispensation de la formation prévue par le programme ECR en voulant garder son caractère et sa mission jésuites, alors que la ministre insiste pour que l'École abandonne son caractère catholique en adoptant un point de vue non religieux pour l'enseignement de l'éthique et des religions.

29. En effet, sur les six boulets[puces] qui énoncent les motifs de la décision, tous sauf le quatrième évoquent expressément la perspective catholique comme étant l'élément qui motive le refus de la demande.

30. L'École s'est donc adressée à la Cour supérieure en révision judiciaire de cette décision. Elle s'est fondée d'abord et avant tout sur le droit administratif comme étant suffisant en soi. Par ailleurs, elle s'est appuyée sur la liberté de religion enchâssée dans les chartes québécoise et canadienne.


PARTIE II    LES QUESTIONS EN LITIGE


31. L'appelant énonce quatre questions comme suit:

Question 1

32. La Ministre chargée de l'application de la Loi a-t-elle commis une erreur révisable en refusant de reconnaître l'équivalence entre le programme d'études local proposé par Loyola et le programme d'études ministériel ECR ?

Question 2

33. En l'absence de nécessité, le juge de première instance devait-il s'abstenir de statuer sur une question constitutionnelle ?

Question 3

34. Le juge de première instance commet-il une erreur en décidant que la décision de la Ministre contrevient à la liberté de religion de Loyola ?

Question 4

35. Si la décision de la Ministre contrevient à la liberté de religion des intimés, cette atteinte est-elle justifiée ?


PARTIE III  — L'ARGUMENTATION


Question 1

La Ministre chargée de l'application de la Loi a-t-elle commis une erreur révisable en refusant de reconnaître l'équivalence entre le programme d'études local proposé par Loyola et le programme d'études ministériel ECR ?

A. Les principes de droit administratif applicables

36. Quant au volet droit administratif, le juge de première instance a procédé à une analyse très fine des dispositions législatives et réglementaires en cause. Les intimés y souscrivent entièrement.

37. De plus, il y a lieu de noter que de tout temps, l'ajout de critères à ceux qui sont prévus a été jugé contraire aux principes de droit administratif et comme un excès de compétence. En vertu des règles du droit administratif, un décideur investi d'un pouvoir décisionnel ne peut ajouter aux critères prévus dans la disposition habilitante.

38. Dans un dossier célèbre, soit l'affaire Yee Glun c. Regina (Ville) de la Cour du Banc du Roi de la Saskatchewan, le juge Mackenzie s'est prononcé comme suit:
« It has been weil established by legal decisions, that when authority is delegated by the Legislature to a municipal corporation to grant such a licence, the latter must confine its actions strictly within the limits of such authority [...]»

39. Ce principe s'applique tout autant à un pouvoir ministériel qu'à un pouvoir conféré à une municipalité.

40. En l'occurrence, l'autorité décisionnelle avait refusé d'accorder une demande d'embauche. en vertu d'un principe d'origine raciale (le demandeur étant d'origine chinoise), lequel principe ne trouvait aucune assise dans la disposition habilitante.

41. Comme le dit le juge Mackenzie, l'utilisation d'un critère non prévu par la loi touche la question des limites de la compétence du décideur, lequel se trouve à outrepasser ces limites s'il invoque un critère additionnel. I1 s'agit donc d'une question de compétence.

42. Dans le choix de la norme de contrôle, la Cour suprême du Canada, dans son plus récent arrêt de principe sur la question, réitère ce principe fondamental, à savoir que là où la compétence est outrepassée, le décideur dont la décision est en révision ne peut se tromper sans entraîner l'intervention des tribunaux supérieurs. Bref, c'est nécessairement la norme de la décision correcte qui s'applique.

43. En effet, les juges LeBel et Bastarache, au nom de la majorité, se sont prononcés comme suit dans l'affaire Dunsmuir23:
«[59] Un organisme administratif doit également statuer correctement sur une question touchant véritablement à la compétence ou à la constitutionnalité. [...] une véritable question de. compétence se pose lorsque le tribunal administratif doit déterminer expressément si les pouvoirs dont le législateur l'a investi l'autorisent à trancher une question. L'interprétation de ces pouvoirs doit être juste,sinon les actes
seront tenus pour ultra vires ou assimilés à un refus injustifié d'exercer sa compétence. [...] »

44. Or, nulle part il n'est question de confessionnalité dans le règlement.

45. De plus, la finalité de l'article 22 du règlement est justement de permettre une souplesse dans l'application des programmes ministériels; Il s'agit d'une disposition très générale. Ainsi, une école privée qui voudrait, en éducation physique par exemple, mettre l'accent sur un sport plutôt qu'un autre ou modifier autrement le programme ministériel, peut le faire dans la mesure où les objectifs visés de promotion d'une bonne hygiène de vie et d'une bonne condition physique sont atteints.

46. De plus, dans l'affaire Adler c. Ontario24, la Cour suprême du Canada a reconnu que la Constitution du Canada soit oblige les provinces à financer certaines écoles confessionnelles — là où l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 s'applique —, soit permet un tel financement. Dans les faits, le gouvernement du Québec a toujours fait la promotion de la diversité religieuse en accordant son soutien à des établissements d'enseignement privé, fussent-ils confessionnels.

Ainsi, il est contraire aux objectifs recherchés par la Loi sur l'enseignement privé elle-même que d'ajouter un critère fondé sur la confessionnalité. Comme l'a dit la Cour suprême du Canada dans l'affaire Roncarelli c. Duplessis: « [i]t is not proper to exercise the power [...] for reasons which are unrelated to the carrying into effect of the intent and purpose of the Act»25.

47. Le propre expert de l'appelant reconnaît que si les écoles publiques du Québec sont désormais non confessionnelles suite à la modification constitutionnelle de 199726, la confessionnalité garde sa légitimité dans les écoles privées27. Dans ce contexte, l'exemption prévue par l'article 22 du règlement s'inscrit nécessairement dans le respect de cette diversité éducative.

48. Ainsi, l'application d'un critère fondé sur la confessionnalité vicie la décision en droit administratif par l'utilisation d'un critère non prévu dans la disposition habilitante28.

B. La délégation

49. De plus, l'utilisation d'un critère non prévu par le règlement n'est pas le seul vice dont la décision est atteinte. Il y a aussi le fait que le critère a été élaboré par un employé du ministère. Or, dans la disposltion, c'est le gouvernement, et non la ministre, qui établit l'unique critère d'équivalence. Et si la ministre elle-même ne peut pas ajouter de critère, elle peut encore moins déléguer ce pouvoir à autrui.

50. Comme le fait remarquer le juge de première instance29, la lecture conjuguée des articles 22 et 22.1 du règlement fait voir que dans le cas de l'article 22.1 seulement (qui est sans application ici), la ministre peut établir des conditions d'exemption:
« 22. Tout établissement est exempté de l'application du premier alinéa de l'article 32 de la Loi sur l'enseignement privé (L.R.Q., c. E-9.1) pourvu que l'établissement offre des programmes jugés équivalents par le ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport. 
En outre, si le .ministre l'autorise, une organisation ou association à caractère religieux sans but lucratif est exemptée de l'application du paragraphe 1 du premier alinéa de l'article 25, du quatrième alinéa de l'article 32 et de l'article 35 de la Loi pourvu qu'une telle organisation ou association remplisse les conditions déterminées par le ministre. 
22. 1. Le ministre peut, aux conditions qu'il détermine, exempter de l'application de toutes les dispositions de la Loi, une personne ou un organisme qui dispense dans ses installations tout ou partie des programmes d'études en formation professionnelle établis par le ministre et énumérés dans une liste établie conjointement par le ministre et le ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale. » [soulignement ajouté]

51. Il est surprenant que l'appelant cherche à prendre appui sur l'article 22.130, qui est sans application dans le présent dossier, et qui ne fait que mettre en relief le fait que le pouvoir établi à l'article 22 ne comporte pas celui d'en établir les conditions.

52. Il en est de même de l'argument fondé sur le paragraphe 111 (7°) de la loi31. Ce n'est pas parce que le gouvernement est autorisé à conférer un pouvoir qu'il l'a nécessairement fait.

53. Par conséquent, la compétence de la ministre se trouve limitée par le libellé de l'article 22 du règlement et elle ne peut outrepasser cette limite. À plus forte raison, un simple employé du ministère ne le peut.

C. La compétence du dialogue

54. À plusieurs reprises dans son mémoire, l'appelant prétend que le programme de l'École ne comporte pas la compétence « pratiquer le dialogue », reprenant ainsi le quatrième boulet des motifs de la décision en cause.

55. Notons d'entrée de jeu que dans l'analyse effectuée par l'employée ministérielle, Nathalie Knott, celle-ci a fait son analyse à partir d'une documentation incomplète, car on ne lui a remis que la Pièce P-232, alors que les lettres P-1 et P-4 étaient importantes aussi.

56. De plus, dans le doute sur une question, il appartenait à Mme Knott de communiquer avec l'École pour avoir des précisions. Or, elle n'a pas jugé opportun de le faire33.

57. Mais même en se limitant à la Pièce P-2234, on voit que, dans sa demande d'exemption, l'École mettait.l'accent sur les éléments suivants, lesquels évoquent non seulement le dialogue tel qu'il est pratiqué en classe, mais aussi le dialogue que l'élève est invité à engager dans sa vie en société:
«A core element in this formation is the realization that Christianity cannot remain something purely internaI, but must express itself in our relationships with others and the world around us. [...] 
Younger students generally select from a variety of in-school service activities such as peer tutoring and recycling, while older students are encouraged to move out to the wider community. [...] 
[...] discussion of religious pressures [...] 
[...] the importance of tolerance and that religious freedoms are paramount to a healthy society. [...] 
Basic philosophical and religious question  [...]  are discussed.
[...] 
The Christian' Service Program  [...]  provides an opportunity for students to experience the active dimensions of faith by reaching out and working with people in need. »
58. À la lumière de la preuve administrée, le juge de première instance a conclu que le programme de l'École comportait, la compétence du dialogue35. L'appelant n'évoque aucune erreur manifeste et dominante dans cette appréciation qui justifierait cette Cour à intervenir sur cette question.

Conclusion quant au volet droit administratif

59. L'appelant tente de convaincre cette Cour de trois thèses:
(i) que le pouvoir prévu à l'article 22 est discrétionnaire; 
(ii) qu'il permet l'ajout de critères; 
(iii) qu'il permet la délégation du pouvoir d'ajouter des critères.
60. Or, même si l'appelant parvenait à établir la justesse de ces points, il ne serait pas plus avancé.

61. En effet, même dans l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire, un décideur doit rester dans le strict cadre des fins poursuivies par le législateur36  et dans le respect des principes généraux de la Constitution.

62. Dans l'affaire Chamberlain, la juge de première instance Saunders devait appliquer la notion de laïcité à un manuel scolaire et a conclu que cette notion excluait tout point de vue religieux. Cette position a été rejetée par la Cour suprême du Canada dans les termes suivants, exprimés parle juge Gonthler37 :
« 137. À mon avis, le juge Saunders a commis une erreur en présumant que le terme "laïque" signifiait en réalité "non-religieux". Ce n'est pas le cas puisque rien dans la Charte, dans la théorie politique ou démocratique ou dans le pluralisme bien compris n'exige, lorsque des questions d'intérêt public sont en cause, que les positions morales fondées sur l'athéisme l'emportent sur les positions morales fondées sur des croyances religieuses. Je souligne que le préambule même de la Charte précise que "... le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit". Selon le raisonnement du juge Saunders, l'opinion morale qui traduit une croyance fondée sur une religion ne doit pas s'exprimer sur la place publique, alors qu'elle devient publiquement acceptable si elle n'est pas ainsi fondée. Le problème que pose une telle interprétation est que chacun a des "convictions" ou des "croyances" que celles-ci prennent leur source dans l'athéisme, J'agnosticisme ou la religion. "est donc erroné de considérer que le terme "laïque" relève du domaine de la "non-croyance". Cela étant, pourquoi alors les 'personnes ayant des convictions religieuses devraient-elles être pénalisées ou exclues? Ce faisant, on dénaturerait les principes du libéralisme d'une manière qui fragiliserait la notion de pluralisme. L'essentiel est que des personnes peuvent être en désaccord sur des questions importantes et qu'un tel désaccord, lorsqu'il ne met pas en péril la vie en société, doit pouvoir être accommodé au cœur du pluralisme moderne.»
63. Ainsi, la laïcité telle qu'elle existe en droit canadien considère le religieux et le confessionnel comme étant tout aussi légitimes que le non religieux. On ne saurait donc faire de distinction à cet égard. Il y va du fondement même de notre démocratie et de nos principes constitutionnels.

Question 2

En l'absence de nécessité, le juge de première instance devait-il s'abstenir de statuer sur une question constitutionnelle ?

64. L'appelant annonce cette question dans la Partie Il de son mémoire, mais n'en traite pas dans son argumentation en Partie III.

65. Il est vrai que le volet droit administratif suffit pour disposer du dossier, comme le juge de première instance l'a d'ailleurs souligné dans son jugement.

66. Cela dit, il est toujours utile qu'un juge de première instance se prononce sur toutes les questions plaidées devant lui. On n'a qu'à songer à la question du quantum des dommages, même là où le juge conclut à une absence de faute. On peut donc difficilement lui en faire un reproche.

67. De plus, il y a lieu de noter que cette deuxième question nous amène à examiner l'interaction entre les deux volets du dossier — le volet droit administratif et le volet droit constitutionnel  — , ce qui illustre une tension fondamentale dans la position de l'appelant.

68. En effet, au coeur de la position de l'appelant se trouve l'affirmation qu'il fait au paragraphe 33 de son mémoire, où il prétend que « [l]e programme ÉCR est tout à fait conforme au principe de la neutralité religieuse de l'État  »,

69. Il méconnaît ainsi ce principe. En effet, selon le philosophe Charles Taylor39 :
« the point of state neutrality is precisely to avoid favoring or disfavoring not just religion positions, but any basic position, religious or nonreligious. We can't favor Christianity over Islam, nor can we favor religion ovër nonbelief in religion, or vice versa. » [soulignement ajouté]
70. Or, ECR favorise un point de vue non religieux et fait de celui-ci le seul point de vue valable à partir duquel on puisse aborder l'étude de l'éthique ou de la culture religieuse.

71. L'État ne respecte donc pas le principe de la neutralité lorsqu'il refuse de reconnaître le programme de l'École comme équivalent sur la base du fait que l'École n'est pas prête à abandonner sa confessionnalité.

72. La position mise de l'avant par l'appelant comporte donc le dilemme suivant:
(i) ou bien l'appelant reconnaît que le programme de Loyola permet, à partir de son point de vue catholique, d'atteindre les objectifs du programme ECR et d'enseigner les compétences et le contenu qui s'y trouvent; 
— auquel cas il n'existe aucun motif de refuser l'exemption; 
(ii) ou bien l'appelant prétend qu'il n'est pas possible de former de bons citoyens catholiques à moins que maîtres et élèves abandonnent leur point de vue catholique pour étudier l'éthique et la religion à partir d'un point de vue non religieux; 
— auquel cas le gouvernement se trouve par le fait même à abdiquer toute prétention à la neutralité, avec les problèmes qui s'ensuivent sur le plan constitutionnel.
73. Cela nous amène à examiner le volet constitutionnel dans les questions nos 3 et 4, ci-dessous.

Question 3


Le juge de première instance commet-il une erreur en décidant que la décision de la Ministre contrevient à la liberté de religion de Loyola ?

74. D'entrée de jeu, il y a lieu de préciser que l'École ne conteste aucune disposition législative ni réglementaire. Bien au contraire, sa démarche s'appuie sur une disposition réglementaire et elle soutient que. cette disposition est parfaitement constitutionnelle. Elle n'attaque que la constitutionnalité de l'exercice de ce pouvoir en l'espèce.

75. La démarche analytique dans ce type de situation a été expliquée par la Cour suprême du Canada40. Essentiellement, c'est la décision et non la disposition habilitante qui doit être scrutée, tant à l'étape de l'analyse de la violation qu'à celle de sa justification aux termes de l'article 9.1 de la Charte québécoise ou de l'article 1er de la Charte canadienne.

A. L'atteinte à la liberté de religion

76. Le tribunal a entendu et retenu le témoignage de Gérard Lévesque, philosophe, qui a produit un rapport41 en plus de témoigner de vive voix. M. Lévesque explique que par son approche phénoméniste, qui évacue la foi de l'étude des religions, et une confusion des genres qui consiste à mettre sur un pied d'égalité religions, mythes, légendes et contes de fées, le programme ECR jette un discrédit sur la foi catholique. Le juge de première instance a retenu ce témoignage comme probant42 et dans son mémoire, l'appelant ne prétend pas que le juge ait fait erreur à cet égard.

77. De plus, l'expert en  théologie Douglas Farrow, dont le témoignage a été jugé convaincant par le juge de première instance43, a énoncé, à la fois dans son rapport écrit44 et dans son témoignage devant la Cour45, les raisons qui font que le refus d'accorder l'exemption brime les droits de l'École en tant qu'école catholique. Il s'agit d'un raisonnement qui s'appuie sur divers documents relevant du magistère de l'Église catholique et qu'il serait trop long de reprendre en détail ici46. Qu'il suffise de dire qu'au cœur du problème se trouve le fait que Dieu, comme fin suprême de l'homme selon la foi catholique, doit rester au centre des préoccupations de tout catholique dans l'étude de l'éthique et de la religion. Or, cela est interdit par le programme ECR, lequel impose un point de vue non religieux. L'expertise du théologien Farrow est restée non contredite et celui-ci n'a pas été contre-interrogé.

78. Quant à l'expertise de l'unique expert appelé par l'appelant, soit Georges Leroux, philosophe, le juge de première instance, dans son appréciation de la preuve, a estimé que cette expertise passait à côté de la question47. Dans son mémoire, l'appelant ne mentionne pas cette expertise et ne prétend pas que le juge ait fait erreur en l'écartant.

79. Il est donc acquis, comme question de fait, que le programme ECR, par son imposition d'un point de vue non religieux, met l'École dans la situation où elle serait en violation des obligations qui lui incombent au regard des normes canoniques de l'Église catholique qui la régissent.

80. Dans son mémoire, l'appelant passe sous silence l'ensemble de cette preuve et ne fait voir aucune erreur sur ce point qui justifierait l'intervention de cette Cour.

B. La liberté de religion de l'École en tant que personne morale

81. L'appelant soutient que l'École, en tant que personne morale, ne peut pas invoquer la liberté de religion.

82. Cet argument est traité aux paragraphes 221 à 261 du jugement de première instance48. Ce raisonnement est exact et repose sur une exégèse juste des dispositions de la Charte québécoise49 et de la Loi d'interprétation50.

83. Dans son mémoire, l'appelant ne mentionne aucun élément particulier de ce raisonnement et ne soulève aucun motif d'appel à son encontre, se contentant d'affirmer son argument sous forme de prémisse générale.

84. La position de l'appelant a par ailleurs de quoi surprendre, et démontre une méconnaissance profonde de ce qu'est la liberté de religion dans notre société.

85. En effet, dès 1215, l'article 1er  de la Grande Charte signée par le roi Jean Sans Terre, se lisait comme suit : « 1. Libertas ecclesiae. » Se trouvait donc affirmée la liberté de l'Église en tant qu'institution.

86. Plus près de nous, l'Acte de Québec de 177451 a reconnu le libre exercice de la religion catholique aux sujets professant cette religion.

87. La doctrine a souligné l'importance de ce moment fondateur de notre pays52 .

88. L'égalité de toutes les dénominations religieuses, la pleine liberté d'exercice et la pleine jouissance de la liberté de culte et de profession furent reconnues sous l'Union en 1851 par le Parlement de la Province du Canada53,

89. Selon la législation québécoise, la liberté et l'exercice de la religion vont de pair avec l'utilisation de la personnalité morale :
(i) la liberté de religion touche l'Église et non l'individu seulement54
(ii) la fabrique catholique est constituée en personne morale55
(iii) l'évêque catholique lui-même est constitué en personne morale56
(iv) il en va de même des autres dénominations57 ; 
(v) les établissements d'enseignement des différentes dénominations sont également constitués en personne morale58.
90. À l'égard de la corporation épiscopale, il y a lieu de noter les objets dont le législateur québécois la dote :
« 9. Les fins de la personne morale sont la religion, l'enseignement, l'éducation, la charité et l'hospitalisation. »
91. Ainsi, s'il fallait limiter la liberté de religion à la seule croyance personnelle dans le for intérieur du croyant, force est d'admettre que cette liberté serait fort limitée.

92. Pour un auteur, cela va de soi qu'une personne morale qui est formée pour l'exercice de la mise en œuvre de la croyance religieuse peut invoquer la liberté de religion enchâssée dans les chartes59.

93. De plus, dans le tout premier arrêt de la Cour suprême du Canada sur la liberté de religion après l'adoption de la Charte canadienne, le juge Dickson a affirmé que la liberté de religion allait bien au-delà de la simple croyance personnelle60.
« Le concept de la liberté de religion se définit essentiellement comme le droit de croire ce que l'on veut en matière religieuse, le droit de professer ouvertement des croyances religieuses sans crainte d'empêchement ou de représailles et le droit de manifester ses croyances religieuses par leur mise en pratique et par le culte ou par leur enseignement et leur propagation. Toutefois, ce concept signifie beaucoup plus que cela. [...] »
94. La mention de l'enseignement est particulièrement pertinente ici, car l'enseignement est un aspect de la liberté de religion qui relève pour l'essentiel des écoles, des séminaires et de l'Église elle-même. Ainsi, s'il fallait retenir la thèse de l'appelant, l'État pourrait donc, sans enfreindre la liberté de religion, régir non seulement le contenu de l'enseignement de la religion à l'intérieur des écoles confessionnelles, mais aussi dicter le contenu des homélies à la messe du dimanche. Il s'agit là d'une entorse au principe de la laïcité de l'État, qui empêche celui-ci de se mêler de questions de religion. L'article 3 de la Charte québécoise et
l'alinéa 2a) de la Charte canadienne viennent enchâsser ce principe dans nos textes constitutionnels et quasi constitutionnels.

95. De plus, toujours selon les propos du juge Dickson dans l'affaire Big M Drug Mart, il faut interpréter la liberté de religion dans son contexte historique. Dans l'affaire Big M Drug Mart, le juge Dickson a ajouté ceci à cet égard :
« Quant à la liberté de conscience et de religion, le contexte historique est clair. Pour autant que cela puisse concerner la Charte, la revendication de cette liberté a son origine dans les conflits religieux qui ont sévi en Europe après la Réforme. »
96. Or, il est de connaissance judiciaire que ces conflits ont, dans bien des cas, visé des communautés religieuses en général et les Jésuites en particulier, notamment dans leur mission d'enseignement. Il serait donc contraire à une saine exégèse de cette liberté que d'ignorer cet aspect de manière à vouloir priver des communautés d'une protection qui leur revient.

97. La Cour suprême du Canada a par ailleurs toujours été soucieuse de protéger les droits des établissements d'enseignement confessionnels61 .

98. Cela dit, il ne faut pas oublier que ce dossier revêt également un aspect qui touche directement la liberté de religion de l'individu. En effet, le codemandeur John Zucchi — dont la présence au dossier fut considérée par le juge de première instance comme s'apparentant à une intervention conservatoire62 — a mis de l'avant son désir comme parent catholique d'offrir une éducation catholique à son fils63. Or, la doctrine a reconnu que le droit du parent d'assurer une éducation à son enfant conformément à ses convictions religieuses est au cœur de la liberté de religion. En effet, dans un texte de doctrine, la très honorable Beverley McLachlin voit ce droit comme étant tout aussi fondamental que le droit d'aller à l'Église64. Ce droit est également énoncé dans la Charte québécoise65. Ainsi, dans le refus de la ministre, il y a également atteinte au droit individuel dans le sens dont l'entend l'appelant.

C. D'autres arguments soulevés par l'appelant

99. Enfin, avant de passer à la question de la justification de l'atteinte, il y a lieu d'examiner trois autres arguments que soulève l'appelant.

100. L'appelant évoque le fait que lorsque l'École a sollicité l'avis des parents sur sa démarche, il y a eu plus de 600 réponses, toutes appuyant la démarche, mais qu'il restait une centaine de parents qui n'ont tout simplement pas répondu66.

101. Comme l'a dit le juge de première instance, on ne peut rien inférer de ces non-réponses67.

102. De plus, malgré ces appuis et la présence au litige de M. Zucchi, il ne faut pas oublier qu'il s'agit en premier lieu de la démarche de l'École. Ce sont les instances de l'École qui en ont décidé. Même si on avait mis en preuve des oppositions de la part de parents (ce qu'on n'a pas fait), l'avis des parents dans un tel cas ne pourrait en aucun cas délégitimer les préoccupations de l'École qui, en tant qu'école jésuite, doit seule veiller au respect de son caractère et de sa mission jésuites.

103. En deuxième lieu, l'appelant évoque le fait qu'il y ait trois élèves juifs parmi les 731 élèves de l'École (tous les autres étant chrétiens, soit environ 90 % de catholiques et 10 % d'orthodoxes). Il prétend que le fait d'autoriser le programme local irait en soi à l'encontre de la charte en imposant un cours confessionnel.

104. Pour des raisons qui leur sont propres, trois familles non chrétiennes ont décidé d'inscrire leur fils à l'École. L'École a décidé de ne pas les refuser sur cette base. Les parents doivent indiquer leur accord avec le caractère confessionnel de l'École68. Et bien que cela ne soit pas arrivé, il va sans dire que depuis bien avant les chartes, on a toujours reconnu qu'un élève d'une autre confession peut se faire exempter d'un enseignement confessionnel69.

105. N'oublions pas que la ministre elle-même reconnaît que l'École peut offrir un cours de catéchèse catholique de quatre unités ou moins70, et l'appelant insiste même sur ce point dans son mémoire71. Alors pourquoi se formalise-t-il de la présence d'un cours confessionnel dans une école confessionnelle ?

106. En troisième lieu, l'appelant évoque la notion d'exemption constitutionnelle72. Or, ici, il ne s'agit pas d'une exemption constitutionnelle, mais bien d'une exemption clairement prévue dans le texte réglementaire applicable. L'affaire sur laquelle s'appuie l'appelant à cet égard concerne la question des peines minimales du  Code criminel, où justement le législateur a spécifiquement prévu qu'il n'y aurait
pas de dérogation possible à cette peine.

Question 4

Si la décision de la Ministre contrevient à la liberté de religion des intimés, cette atteinte est-elle justifiée ?

107. Les critères applicables à cette étape de l'analyse sont bien connus73.

A. L'objectif

108. L'objectif plaidé par le Procureur général du Québec reprend les deux objectifs du programme — la reconnaissance de l'autre et la poursuite du bien commun —, auxquels on greffe celui du vivre-ensemble, qui est également évoqué dans le programme. L'École souscrit entièrement à ces objectifs.

109. Mais il s'agit là des objectifs du programme et non de celui du refus de l'exemption. Or, dans un cas où c'est une décision administrative et non une loi qui est attaquée, c'est la décision qui doit être scrutée à l'aune de l'article 9.1 de la charte québécoise et de l'article 1er de la charte canadienne74.

110. L'objectif du refus d'exemption est très clair: il s'agit d'imposer à une école catholique l'abandon de son point de vue religieux lors de l'enseignement de l'éthique et de la culture religieuse. Ainsi, l'objectif, correctement qualifié, consiste lui-même à imposer une contrainte sur l'exercice de la religion.

111. Ainsi, nous sommes dans la situation de Big M Drug Mart, où la contrainte à la liberté de religion et de conscience fait partie de l'objectif poursuivi. Or, là où l'objectif réellement poursuivi est lui-même contraire à la charte, il ne saurait servir de justification. Le juge Dickson s'est exprimé comme suit à cet égard :
« il semble évident que le Parlement ne peut se fonder sur un objet inconstitutionnel en vertu de l'art. 1 de la Charte. »
112. Ainsi, la justification doit donc échouer dès la première étape.

B. Le lien rationnel

113. Subsidiairement, en retenant les objectifs mis de l'avant par le gouvernement et en tenant pour acquis qu'ils satisfassent au premier critère de l'analyse, il faut se demander s'il existe un lien rationnel entre cet objectif et la décision de refuser la demande d'exemption. L'École soutient qu'il n'y en a pas.

114. En effet, le propre expert du gouvernement, à savoir Georges Leroux, philosophe, a reconnu en contre-interrogatoire qu'il était familier avec la pédagogie jésuite, d'une part, et que rien dans cette pédagogie n'était de nature à compromettre l'atteinte des objectifs du programme, d'autre part75.

115. Et vu la longue histoire de l'École et les nombreux citoyens de premier plan qu'elle a formés, il serait étonnant que quiconque prétendît le contraire.

116. Il n'y a donc.pas de lien rationnel entre le refus de la demande et l'objectif énoncé par le gouvernement en tant que justification de ce refus. Cette justification doit donc échouer pour cette raison également.

C. L'atteinte la moindre possible

117. À cette étape-ci de l'analyse, la jurisprudence des tribunaux, et en particulier celle de la Cour suprême du Canada, a eu recours à la notion d'accommodement développée en droit du travail76.

118. En l'espèce, le mécanisme statutaire qui se trouve à l'article 22 du Règlement d'application constitue l'accommodement: d'une part, les élèves apprennent des nations sur les croyances et pratiques de leurs concitoyens d'autres confessions religieuses et apprennent à réfléchir aux questions éthiques d'une manière qui est fondée sur la morale catholique, sans pour autant négliger les positions éthiques soutenues par des modes de pensée religieux et non religieux autres que le leur. Ils sont dont prêts à intégrer la société dans le respect d'autrui et de la diversité, bref à pratiquer le vivre-ensemble dont le programme ECR fait la promotion.

119. Le refus de la ministre ne peut donc pas être considéré la mesure qui porte le moins possible atteinte aux droits fondamentaux.

120. Qui plus est, le refus de la ministre comporte un paradoxe. En disant vouloir faire la promotion de la diversité, elle adopte une position qui a pour effet de l'étouffer.


D. La proportionnalité entre l'objectif et l'atteinte

121. Enfin, on ne peut pas non plus conclure que l'atteinte soit proportionnelle à l'objectif.


E. Conclusion quant à la justification et au volet constitutionnel

122. Pour réussir comme justification d'une atteinte à l'article 3 de la Charte québécoise ou de l'article 2a) de la Charte canadienne, la mesure à l'étude doit réussir à toutes et chacune des quatre étapes analysées plus haut. Pour les raisons qui viennent d'être expliquées, le refus d'exemption ne constitue pas une limite
raisonnable dans une société libre et démocratique.

123. Ainsi, dans la mesure où cette Cour estime qu'il y a lieu d'aborder le volet constitutionnel, il y a lieu de conclure que la décision de la ministre porte atteinte à la liberté de religion et que cette atteinte ne peut être justifiée.




PARTIE IV — LES CONCLUSIONS

124. Les intimés prient cette honorable Cour de :

1.  REJETER l'appel;
2.  Avec dépens.

MONTRÉAL, le 21 avril 2011



Notes de bas de page


1. Témoignage de Paul Donovan, annexes de l'appelant, vol. 8, p. 3074, 1. 3 à 7.

2. Témoignage de Douglas Farrow, annexes de l'appelant, vol. 9, p. 3513 à 3514.

3. Témoignage de Paul Donovan, annexes de l'appelant, vol. 8, p. 3074, 1. 7 et 8.

4. Témoignage de Paul Donovan, annexes de l'appelant, vol. 8, p. 3076, 1. 5 et 6.

5. Pièce P-26, annexes de l'appelant, vol. 2, p. 503 à 505.

6. Pièce P-6, Expertise de Gérard Lévesque, annexes de l'appelant, vol. 1, p. 248.

7. Pièce PGQ-31, annexes de l'appelant, vol. 6, p. 2117.

8. Pièce P-7, Expertise de Douglas Farrow, annexes de l'appelant, vol. 2, p. 335 et suivantes.

9. Jugement de première instance, paragraphe 94, annexes de l'appelant, vol. 1, p. 52 à 54. Voir aussi le témoignage de Paul Donovan, annexes de l'appelant, vol. 8, p.3146 et suivantes.

10. Annexes de l'appelant, vol. 1, p. 236, 238 et 242 respectivement.

11. Pièce P-4, annexes de l'appelant, vol. 1, p. 243, quatrième paragraphe, de la sixième à la neuvième ligne; témoignage de M. Donovan, annexes de l'appelant, vol. 8, p. 3126, 1. 20 à la page 3127,1. 2.

12. Témoignage de M. Donovan. annexes de l'appelant. vol. 8. p. 3127. l. 3 à 13.

13. Pièce P-2,-annexes de l'appelant, vol. 1, p. 238 à 240.

14. Pièce P-17, annexes de l'appelant, vol. 2, p. 424 à 441.

15. Pièce P-2, annexes de l'appelant, vol. 1, p. 238.

16. Témoignage de Paul Donovan, annexes de l'appelant, vol. 8, p. 3131, 1. 3 à la p. 3132, 1. 13.

17. Pièce P-14, annexes de l'appelant, vol. 2, p. 410. Voir aussi à la p. 412, le principe n° 6.

18. Témoignage de Paul Donovan, annexes de l'appelant, vol. 8, p. 3078, citant la Pièce P-14.

19. Pièce P-12, Gravissimum Educationis, annexes de l'appelant, vol. 2, page 388,
commenté par Douglas Farrow, expert en théologie, annexes de l'appelant, vol. 9, p. 3459 et 3460.

20. Témoignage de Paul Donovan, annexes de l'appelant, vol. 8, p. 3082.

21. Jugement de première instance, paragraphes 31 à 39, annexes de l'appelant, vol. 1, p. 37 à 43.

22. Pièce P-5, annexes de l'appelant, vol. 1, p. 245.

23 Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190,2008 CSC 9, au par. 59. [1996] 3 R.C.S. 609.

24. Roncarelli c. Duplessis, [1959] R.C.S. 121, 156 (le juge Martland); voir aussi les motifs du juge Rand (p. 140), qui insiste sur le fait que les motifs doivent être compatibles avec les objectifs de la législation.

26. Modification constitutionnelle de 1997 (Québec), TR/97-141, 131 Gazette du Canada Partie Il (22 décembre 1997).

27. Pièce P-8, Georges Leroux, Éthique, culture religieuse, dialogue, Montréal, Fides, 2007, P. 55. annexes des intimés. vol. 1, p. 31 et 32. Ce point fut relevé par le juge de première instance au paragraphe 164 : voir les annexes de l'appelant, vol. 1, p. 68.

28 Voir aussi Chamberlain c. Surrey School District N' 36, 2002 CSC 86, [2002] 4 R.C.S. 710, au paragraphe 37 (le juge Gonthier, dissident quant au résultat mais s'exprimant pour une Cour unanime sur ce point, avec l'accord des juges McLachlin et LeBel).

29 Jugement de première instance, par. 102 et suivantes, annexes de l'ap. p. elant.. vol. 1. p. 54 et suivantes.

30. Mémoire de l'appelant, par. 51, page 12.

31. Mémoire de l'appelant, par. 50, page 12.

32. Interrogatoire de Natalie Knott, annexes de l'appelant, vol. 8, p. 2834 (ligne 23) à 2835 (ligne 5).

33. Interrogatoire de Natalie Knott, annexes de l'appelant, vol. 8, p. 2851 (ligne 20) à 2852 (ligne 4).

34. Annexes de l'appelant, vol. 1, p. 238 à 240.

35. Jugement de première instance, paragraphes 177 et 178, annexes de l'appelant, vol. 1. p.70.

36. R. Dussault et L. Bourgeat, Traité de droit administratif, 2e éd., tome III, Ste-Foy, Presses de l'Université Laval, 1989, p. 482 et suivantes.

37. Dissident quant au résultat, mais s'exprimant sur ce point pour une Cour unanime, avec l'appui de la juge en chef McLachlin et du juge LeBel: Chamberlain c. Surrey School District N° 36, [2002] 4 R.C.S. 710, 2002 CSC 86, au paragraphe 137.

38 Jugement de première instance, paragraphe 205, annexes de l'appelant, vol. 1, p. 74.

39 Charles Taylor, «What does secularism mean?» dans Dilemmas and Connections: Selected Essays, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 2011,311.

40 Slaight Communications inc. c. Davidson, [1989] 1 R.C.S. 1038 (motifs du juge Lamer).

41 P-6, Expertise de Gérard Lévesque, annexes de l'appelant, vol. 1, p. 248.

42 Jugement de première instance, paragraphe 55, annexes de l'appelant, p. 45.

43 Jugement de première instance, paragraphe 61, annexes de l'appelant, p. 46.

44 Pièce P-:7, annexesdel'appelant, vol. 2, surtout aux p. ,335 et suivantes.

45 Témoignage de Douglas Farrow, annexes de l'appelant, vol. 9, p. 3449 et suivantes.

46 Jugement de première instance, paragraphes 61 et 274 à 289, annexes de l'appelant, vol. 1. p. 46 et 82 à 84.

47 Jugement de première instance, paragraphe 58, annexes de l'appelant, vol. 1, p. 46.

48 Annexes de l'appelant, vol. 1, p.75 à 79.

49 Charte des droits et libertés de la personne, L.R.a., c. C-12.

50 L.R.a., c. 1-16.

51 14 George III, c. 83, art. 8.

52 La très honorable Beverley McLachlin, « Freedom of Religion and the Rule of Law: A Canadian Perspective» dans Recognizing Religion in a Secular Society: Essays in Pluralism, Religion, and Public Policy, ouvrage collectif sous la direction de Douglas Farrow, Montréal, McGiII-Queen's University Press, 2004, pages 12 à 34.

53 Acte concernant les rectoreries, 14 &15 Victoria (1851), c. 175 (Can.), art. 1.


54 Loi sur la liberté des cultes, L.R.O., c. L-2.

55 Loi sur les fabriques, L.R.O., c.F-1.

56 Loi sur les évêques catholiques romains, L.R.O., c. E-17, art. 3: « 3. Le registraire des entreprises peut, au moyen de lettres patentes qu'il délivre sous ses seing et sceau, accorder une charte constituant en personne morale tout évêque qui lui en fait la demande. ( ..). »

57 Voir, par exemple, la Loi sur la constitution de certaines églises, L.R.O., c. C-63. Il existe par ailleurs diverses lois particulières constituant différentes dénominations protestantes, par exemple.

58 Voir, par exemple, l'Acte pour incorporer le Collège presbytérien de Montréal, S.C. 1865, c.53.

59 Peter W. Hogg, Constitutional Law of Canada,5e éd., Toronto, Carswell, édition sur feuilles mobiles, p. 37-2, note 3.

60 R. c. Big MDrug Mari Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295.

61 Caldwell c. Stuart, [1984] 2 RC.S: 603; Université Trinity Western c. College of Teachers, [2001] 1 RC.S. 772, 2001 CSC 31.

62 Jugement de première instance, paragraphe 318, annexes de l'appelant, vol. 1, p. 89.

63 Témoignage de John Zucchi, annexes de l'appelant, vol. 9, p. 3193 à 3194.

64 La très honorable Beverley McLachlin, « Who owns our kids? Education, Health and Religion in a Multicultural Society» dans Cambridge Lectures 1991, sous la direction de F.E. McArdle, Cowansville, Yvon Blais 1933,147,150.

65 Charte des droits et libertés de la personne, L.RQ., c. C-12, art. 41.

66 Mémoire de l'appelant, paragraphes 84 et 85, annexes de l'appelant, vol. 1, p. 19. Voir aussi le témoignage de Paul Donovan, annexes de l'appelant, vol. 9, p. 3182.

67 Jugement de première instance, par. 198, annexes de l'appelant, vol. 1, p. 73.


68. Pièce P-15, annexes des intimés, vol. 1, p. 33 à 129.

69. Chabot c. Commissaires d'écoles de Lamorandière, [1957] B.R. 707, 12 D.L.R. (2d) 796..

70. Pièce P-3, annexes de l'appelant, vol. 1, p. 247.

71. Mémoire de l'appelant, par. 29, p. 8.

72. Mémoire de l'appelant, par. 138 à 143, p. 29 à 30.

73. R. c..Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103.

74 Slaight Communications inc. c. Davidson, P989] 1 R.C.S. 1038.

75 Témoignage de Georges Leroux, annexes de l'appelant, vol. 9, p. 3656 (ligne 17) à 3657 (ligne 25).

76 Alberta c. Hutterian Brethren of Wilson Colony, 2009 CSC 37, [2009] 2 R.C.S. 567; Multani c. Commission scolaire Margueritè-Bourgeoys, [2006] 1 R.C.S. 256, 2006 CSC6.

2 commentaires:

MC a dit…

Salut! J'aimerais savoir ou vous avez trouve cette memoire d'appel. Je m'interesse beaucoup a cet arret et j'aimerais en savoir plus, svp. Merci en avance!

Pour une école libre a dit…

Nous l'avons directement reçu des parties prenantes au litige.