samedi 10 septembre 2011

France — le droit imprescriptible à la licence : l’Université est devenue un village Potemkine

Pierre Jourde, écrivain, professeur d’université et critique littéraire dénonce la réforme de la licence (le baccalauréat au Québec) et la volonté de donner un diplôme à tous les étudiants, quel qu’en soit le prix.

« L’idée généreuse qui préside à cette réforme est que tout le monde devrait avoir un diplôme. Certes. Mais cette formule est susceptible de deux interprétations.

Soit on comprend qu’il s’agit de faire en sorte de donner à tout le monde un niveau honnête justifiant l’obtention d’un diplôme.

Soit on comprend qu’il s’agit de bidouiller les diplômes de manière à ce que tout le monde les obtienne, quel que soit son niveau, son travail et son savoir.

Depuis des années, c’est la seconde solution qui est adoptée, en laissant croire, bien entendu, que c’est la même chose que la première. Mais cette fois-ci, on dépasse tout. Le mur de la démagogie et de la connerie réunies vient d’être allègrement enfoncé par le ministre et l’UNEF. L’UNEF [syndicat étudiant] myope, pour ne pas dire aveugle, convaincu que défendre les étudiants, c’est faire en sorte qu’ils obtiennent tous des diplômes en peau de lapin, sans voir que cela conduit à achever l’université, désormais considérée comme une usine bonne à occuper le chômeur en le berçant d’illusions. Les choses sérieuses auront lieu ailleurs.

Jusqu’à présent, malgré toutes les facilités possibles, il fallait quand même une moyenne générale pour passer d’une année sur l’autre. Désormais, c’est fini. Voilà résolu le grave problème de l’échec en première année. Il suffisait d’y penser.

Vous êtes étudiants en première année de Lettres, mettons. Vous avez eu deux ou trois de moyenne à peu près dans toutes les matières ? Peu importe. Il vous suffira d’un petit quelque chose, mettons un 15 en initiation à l’informatique (tout le monde a 17) et en « découverte du système éducatif » (vous pondez un petit rapport de quatre pages et vous avez forcément au-dessus de 14), voire en sport, pour passer en deuxième année. Là, rebelote pour passer en troisième année. Jusque-là, tout cela n’a pas exigé trop d’efforts de votre part. Problème : à la fin de la troisième année, votre moyenne générale est tout de même quasi nulle. Les matières littéraires vous ont plombé.

Qu’à cela ne tienne : Si vous avez réussi à obtenir la moyenne dans la moitié des enseignements, quand bien même vous auriez des 4 partout ailleurs, vous avez la licence. Et vous serez titulaire d’une licence de lettres avec du sport, de l’informatique rudimentaire et toutes sortes d’options rigolotes. D’UNE LICENCE DE LETTRES. Vous avez donc le droit de vous inscrire au master [maîtrise au Québec], puis à vous présenter aux concours. Vous échouez ? Peu importe. L’éducation nationale a besoin de vacataires mal payés et sous-diplômés (les titulaires diplômés coûtent cher). Vous voilà prof. de Lettres. Le tour est joué. Merci UNEF, merci M. le Ministre. Voilà une réforme adoptée par un ministre de droite et un syndicat paraît-il de gauche. Inutile de dire que si la droite s’est efficacement employée, depuis l’élection de Sarkozy, à démolir l’université, il n’y a aucun recours à attendre de la gauche sur ce sujet.

Personnellement, en tant qu’universitaire, j’estime que la coupe à n’importe quoi est pleine et que, cette fois, on se paie ma tête ouvertement. On me demande de présider à une pure mascarade, de faire semblant d’enseigner pour faire semblant de délivrer des diplômes ayant un contenu, alors qu’il ne s’agit que de faire du chiffre. L’université est définitivement devenue un village Potemkine, un faux-semblant général où le savoir n’a plus aucune importance. S’il ne s’agit que de balancer des 18 à la pelle, si c’est cela qu’on me demande, aucun problème, ils vont pleuvoir. Mais qu’on ne me demande pas en plus de m’intéresser à la guignolade.

P.J.
»

Source : Nouvel Obs


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Les francophones bientôt minoritaires à Montréal, légère baisse des francophones dans l'ensemble du Québec

Le nombre de personnes s'exprimant en français à la maison pourrait passer sous la barre des 50 % d'ici une vingtaine d'années sur l'île de Montréal, s'il faut en croire les conclusions d'une des cinq études présentées vendredi par l'Office québécois de la langue française (OQLF).

Seul le nombre d'allophones augmentera au cours de cette période. Leur proportion au sein de la population passera de 20,6 % à 29,5 %, selon un scénario de croissance démographique moyenne. Ce n'est guère étonnant quand on considère le très fort taux d'immigration légale au Québec : près de 50.000 immigrants par an.

Dans l'ensemble du Québec, le poids démographique des francophones devrait baisser au cours des 20 prochaines années pour s'établir à 77,9 %, alors qu'il se situait en 2006 à 79 %. Celui des anglophones devrait diminuer légèrement pour s'établir à 10,1 %.

Les allophones seront les seuls à connaître une hausse, passant de 11,4 % à 12,1 %.


On se console comme on peut

Ces chiffres n'inquiètent pas Louise Marchand, directrice de l'OQLF, qui note qu'une plus forte proportion d'allophones opte aujourd'hui pour le français comme langue d'usage.

Le rapport indique notamment que les allophones ayant adopté le français dans leur vie quotidienne, au détriment de leur langue maternelle, l'ont fait dans une proportion de 51 % à partir de 2006, alors que ce nombre n'était que de 39 % en 1996.

Or, 51 % ce n'est pas assez pour maintenir le niveau des francophones à Montréal (54 %), ni même bien sûr des francophones au Québec (79 %) alors que la croissance démographique a justement lieu à Montréal !





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