vendredi 21 octobre 2011

Bock-Côté : L’histoire aux oubliettes

Matthieu Bock-Côté revient sur le rapport dirigé par Éric Bédard dont nous avions déjà parlé et parle de sa dimension plus générale, au Québec comme partout en Occident.


Actuellement, une petite querelle entre éminents historiens ne passe pas inaperçue médiatiquement. Son origine ? La publication d’une étude de la Fondation Lionel-Groulx réalisée par l’historien Éric Bédard qui démontre la disparition inquiétante de l’histoire nationale dans l’université. Son titre : « l’histoire nationale négligée ».

Le constat de Bédard est sans faille. L’histoire politique est abandonnée. L’histoire nationale a cédé la place à l’histoire sociale des « minorités ». Officiellement parce que la première serait nécessairement dépassée, et que la seconde serait objective.

Le milieu des historiens académiques joue les vierges offensées. Ils accusent même Bédard de camoufler un parti-pris souverainiste. Ils ne voient pas au même moment que ressortent leurs propres jupons idéologiques, leur propre mépris du nationalisme, et souvent même, de la nation québécoise.

Car le problème est plus profond. En fait, c’est le Québec qui n’intéresse plus une bonne partie de nos intellectuels. Il y a beaucoup de snobisme ici. Au nom de la mondialisation, de la modernité, de la diversité, notre société n’intéresse plus vraiment ceux qui ont pourtant pour métier de la penser.

Par exemple, on cessera d’enseigner l’histoire des idées politiques québécoises. On sacrifiera aussi l’histoire des Rébellions, de la Conquête, de la Confédération. On prétextera l’absence de spécialistes. On oublie de nous dire qu’on a refusé de les embaucher pendant des années. L’histoire politique n’est pas disparue par enchantement. On l’a consciemment mise de côté.

Ce qui nous ramène à l’étude de Bédard. Ce dernier désespère de changer les départements. Bédard propose plutôt de créer un Institut d’histoire nationale lié à l’INRS. Cet institut rassemblerait les experts qui l’étudient avec les moyens nécessaires. Cette histoire ne serait pas militante. Mais elle ne confondrait pas l’oubli de la nation québécoise avec un progrès méthodologique.

Voyons plus large. Au Québec et partout en Occident, l’enseignement de l’histoire est devenu un enjeu politique. [Note du carnet: cela a toujours été le cas, aujourd'hui elle prend un angle multiculturaliste, antinational et pro-lobby intouchable comme les « homosexuels »] La formation de la conscience historique porte à conséquence sur l’identité collective. Ici, nous retrouvons la querelle du multiculturalisme. L’histoire nationale rassemble une société, la transforme en peuple, lui fait voir son destin. L’histoire multiculturaliste le fractionne grossièrement en communautés rivales voulant chacune son morceau de mémoire et se repliant sur elles-mêmes.

Un peuple à qui on a appris à ne plus aimer son passé finira par ne plus s’aimer. Il ne faut plus se laisser intimider par ceux qui nous expliquent doctement que nous connaître historiquement comme peuple est une pathologie réactionnaire dont nous devrions urgemment nous débarrasser.


Voir aussi :

Québec — Le peu de place consacrée à l'Europe dans les programmes scolaires d'histoire

France — La polémique des nouveaux programmes scolaires d’Histoire vue de Russie

France — « Critiquer le roman national, amadouer un nouveau public [immigré] »

La Grande Noirceur, revue et corrigée


1 commentaire:

Perpétue a dit…

L'Histoire est peut-être reléguée aux oubliettes à l'école et à l'Université....mais il est possible de l'étudier encore dans les chaumières...entre autres grâce au Dictionnaire biographique canadien, maintenant en ligne. Une véritable mine d'or!

Accueil du dictionnaire:

http://www.biographi.ca/index-f.html

Exemple: Jacques Cartier

http://www.biographi.ca/009004-119.01-f.php?&id_nbr=107

Bonne lecture!