mardi 24 mai 2011

L'enseignant et artiste Lucien Francœur, encore passionné par son métier, tire la sonnette d'alarme

Après 30 années d'enseignement au cégep de Rosemont, Lucien Francœur se vide le cœur dans le Journal de Montréal. Trois décennies plus tard, le poète et rockeur tire la sonnette d'alarme. Extraits :

Au fil de ces trente dernières années, comment tes exigences comme professeur ont-elles changé ?

Avant, on demandait un travail de session de 12 pages. Maintenant, une analyse littéraire, c'est 750 mots. Trois paragraphes, trois idées principales (oublie les idées secondaires)... Le tiers de la classe me donne ça exactement, un tiers me le donne à moitié et un tiers me le donne pas du tout.

Il y a dix ans, mes élèves faisaient leur propre page titre. Maintenant, je fais la page titre et ils doivent la compléter. Mais même ça, un tiers de la classe n'arrive pas à le faire !

Un élève qui entre au collégial de nos jours, il faut lui enseigner ce qu'est un livre. « Il y a une page couverture. Il y a deux noms. Il ne faut pas confondre le nom de l'auteur (Molière) et le titre du livre (Don Juan) ».

[...]

On a beaucoup parlé récemment de l'évaluation des professeurs. Qu'en penses-tu ?

Je suis d'accord qu'on évalue les profs. Mais ce qu'on propose, c'est toujours des évaluations de terroriste ?! C'est les élèves, les cancres, qui vont évaluer les profs ?? Voyons donc ?!

Comment un élève qui ne sait pas ce que signifie « ?recto verso ?», ou « ?simple interligne ?» peut-il évaluer si son prof a bien enseigné une analyse littéraire ?? Comment un élève qui a été expulsé de sa classe pour des raisons qui lui paraissent aberrantes (son cellulaire a sonné trois fois de suite) peut-il être crédible dans une évaluation ?

[...]

Comment as-tu vu le rôle du ministère de l'Éducation évoluer pendant ces 30 années ?

Ils sont déconnectés. Ils disent toujours : « on va faire une nouvelle grammaire, on va changer la terminologie, on va faire des nouveaux manuels, on va changer le bulletin ». C'est toujours la façade qui est abordée. Ils ne s'intéressent jamais au cœur du problème : le professeur et l'élève, les deux éléments fondamentaux d'une société. La réflexion ne se fait pas à la bonne place, elle ne se fait pas en profondeur.

L'éducation au Québec, c'est un bordel parce que notre ministère de l'Éducation est trop gros. C'est le plus gros au monde et il faut qu'ils justifient leur job. Moi, je les enverrais dans les écoles, dans les classes ! On n'a pas besoin d'une autre grammaire ! La grammaire, ça s'enseigne toujours comme avant, le participe passé s'accorde comme ci comme ça.

Si tu voyais ce que le Ministère nous suggère comme manuels ! C'est fait par des pédagogues qui n'ont pas mis les pieds dans une école depuis 20 ans, qui vivent dans une bulle. Il y a 240 pages d'explications, avec des trucs tellement pointus... C'est comme s'ils vivaient en milieu fermé et qu'ils tripaient entre eux, pour s'impressionner les uns les autres.

[...]

À propos du nivellement par le bas

« On dit que c'est élitiste, de séparer les élèves... C'est bien dommage, mais l'héritage de la contre-culture, de la Révolution tranquille, qui a fait qu'on met tout le monde dans la même classe, c'est un échec.

Celui d'en bas ne monte pas. Et c'est celui d'en haut qui finit par manquer ce à quoi il aurait droit. Ça ne peut plus fonctionner. Et ce n'est pas méprisant de dire qu'il y a un tiers de mes élèves qui ne maîtrisent pas la base du français écrit et qui ne devraient pas être dans un cours de littérature. S'ils ne comprennent pas « recto verso » ou « nom masculin », comment peuvent-ils comprendre « la nature et la religion dans Attala de Chateaubriand » ? La marche est trop haute ! »

À propos des immigrants

« Les élèves qui viennent d'ailleurs maîtrisent trois langues : leur langue maternelle, l'anglais qu'ils apprennent tous; et le français qu'ils ont appris avec des méthodes traditionnelles. Le Québécois "de souche" dit un mot sur quatre en anglais (fun, top, chill), mais il ne peut pas avoir une conversation en anglais. Et sa langue maternelle, il l'écrit phonétiquement. Quand je donne un travail d'équipe, c'est souvent l'élève d'origine ethnique qui prend en charge la qualité du français parce qu'il le parle mieux que le Québécois "de souche". »





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2 commentaires:

Anonyme a dit…

Oui, mon p'tit Gilles, tu avais raison de sonner l'alerte il y a 25
ans...

Serge a dit…

Et on compte maintenant plus d'allophones que de francophones à la CSDM. Voir http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/education/201105/24/01-4402472-plus-dallophones-que-de-francophones-a-la-csdm.php

Et le CÉCR fait bien son travail d'"anéantiser" l'identité québécoise pour faire place aux autres cultures.

Les québécois s'effacent et un certain parti veut faire un pays sans véritable identité!!! Un pays de zombies?