dimanche 15 août 2010

Québec — C'est la déconfiture post-réforme chez les éditeurs scolaires !

Nous en avions déjà parlé il y a quelques semaines, Fides, l'une des plus importantes maisons d'édition au Québec, s'est placée en juillet sous la protection de la Loi sur la faillite. La raison ? Le fiasco financier engendré par la production du matériel nécessaire pour le cours d'éthique et de culture religieuse.

Le Devoir nous apprend, dans son édition de cette fin de semaine, que chez Hurtubise, on a cessé de concevoir des manuels scolaires obligatoires peu de temps après l'implantation de la réforme pour se consacrer au profit des livres de références ou d'approfondissement et des ouvrages parascolaires.

Selon Hervé Foulon, président-directeur général des Éditions Hurtubise, outre la révision de tout le contenu de leurs manuels et l'obligation de passer à travers tout le processus d'approbation (voir conférence du Bureau d'approbation du matériel didactique), la réforme pédagogique a forcé les différents éditeurs à traverser une période d'expérimentation prolongée et fort coûteuse.

« Le problème, c'est que nous nous retrouvions peut-être trois ou quatre éditeurs avec des manuels approuvés par matière et par niveau. Les écoles nous disaient que les professeurs voulaient tester les livres pendant une année, donc nous les leur prêtions gratuitement. Et on ne faisait pas ça dans deux ou trois écoles, mais à la grandeur du Québec. »

À la fin de la période d'expérimentation, les professeurs pouvaient renvoyer les livres à l'éditeur en leur disant que les manuels ne les satisfaisaient pas. Les livres usagés n'avaient plus alors aucune valeur commerciale. Cette phase d'expérimentation a duré quelques années avec l'introduction de la réforme, alors qu'avant celle-ci, les nouveaux manuels n'étaient envoyés qu'à quelques écoles pour sonder le marché.

Éthique et culture religieuse, un cas à part

Le cas du programme ECR est un peu particulier : d'une part, cette nouvelle matière a été introduite dans toutes les écoles pour toutes les années à la rentrée de 2008 alors que l'introduction de la réforme pour les autres matières avait été échelonnée sur près de 10 ans, d'autre part, le programme est fortement contesté devant les tribunaux et dans la population et plusieurs écoles sont réticentes à acheter des manuels pour un programme qui pourrait bien ne plus être obligatoire d'ici quelques années (il ne l'est plus au collège Loyola).

La maison d'édition Fides a affirmé avoir investi 1,5 million de dollars dans la production de manuels et de guides pour les enseignants ECR. La concurrence, les programmes d'expérimentation, les retards de production et d'approbation, et les nombreuses critiques ont nui aux ventes dans les écoles et l'ont empêchée de récupérer sa mise. Lors de l'annonce de la faillite de ce vénérable éditeur en juillet, son directeur, Michel Maillé, a déclaré que « beaucoup d'écoles hésitent à faire des achats sans trop savoir ce qu'il va advenir du programme. »

Période d'implantation de la réforme extrêmement difficile

L'Association nationale des éditeurs de livres (ANEL) confirme que la période d'implantation de la réforme « Marois » a été extrêmement difficile pour les éditeurs scolaires.

« Au début, il n'y avait aucun budget dédié à l'achat de manuels scolaires. Pire encore, il y avait de la promotion qui se faisait pour l'implantation de la réforme sans manuels scolaires ! Comme les éditeurs avaient répondu aux demandes du monde scolaire en concevant de nouveaux manuels, on n'a pas eu d'autres choix que d'accepter de les prêter gratuitement. Ils étaient faits de toute façon » d'expliquer Jacques Rocher, conseiller au conseil d'administration de l'ANEL.

Faillite de plus de la moitié des éditeurs scolaires

Plusieurs éditeurs scolaires ont fait faillite depuis l'introduction de la réforme :  « La preuve, c'est qu'en 2000 nous étions une quinzaine d'éditeurs scolaires qui faisaient des manuels, alors que maintenant il en reste cinq ou six » affirme Hervé Foulon.

Information confirmée par Jacques Rochefort : « Les temps ont été si difficiles que plusieurs éditeurs ont été obligés de fermer leurs portes, de vendre ou de réduire le nombre de livres qu'ils éditent chaque année. »

352 millions pour l'achat de manuels jusqu'à 2011

Jacques Rochefort affirme toutefois que la situation s'est grandement améliorée ces dernières années grâce à une subvention de 352 millions de dollars promise dès 2003 par le Monopole de l'Éducation afin d'acheter un manuel par élève et par matière : « Le problème, toutefois, c'est qu'on avait fixé la date limite d'achat pour tous les niveaux à 2011, soit l'année de l'implantation de la réforme. Le bal a donc continué ! Pas pressées, les écoles ont continué à évaluer les manuels ».

À la suite d'une levée de boucliers dans le milieu de l'édition, le MELS a établi en 2007 une date butoir pour l'achat de manuels par niveau. Le 30 juin 2010 était la date limite pour la 4e secondaire, et le 30 juin 2011, le sera pour la 5e secondaire.





Soutenons les familles dans leurs combats juridiques (reçu fiscal pour tout don supérieur à 50 $)

3 commentaires:

sylvain a dit…

Michel Maillé, a déclaré que « beaucoup d'écoles hésitent à faire des achats sans trop savoir ce qu'il va advenir du programme (ECR). »

Chaque école dipose pourtant d'un budget particulier pour l'achat de manuels ECR (ce qui s'applique également aux autres matières, comme le mentionne plus loin l'article: 352 millions pour l'achat de manuels jusqu'à 2011)

Ces sommes doivent obligatoirement être utilisées à ces fins, autrement l'argent retourne au MELS.

Cet argument de monsieur Maillé est donc faible.

Je crois que Fides est surtout victime, dans ce cas-ci, d'avoir voulu produire un manuel de qualité (et de ce fait onéreux à concevoir), alors que d'autres se sont empressés de faire du matériel moins élaboré, mais plus facilement "approuvable", et ce, afin de s'emparer rapidement du marché...et de ces nouveaux budgets!

S'il ne reste que peu d'éditeurs scolaires aujourd'hui, c'est aussi parce qu'il y a des joueurs beaucoup plus gros, et pour qui l'édition scolaire n'est qu'une partie de leur entreprise.

Évidemment, dans ce contexte, c'est la qualité et la diversité des ressources disponibles qui écopent... et la qualité de l'éducation!

Françoise D a dit…

Sylvain, les écoles ont jusqu'à 2011 pour acheter (en secondaire 5), elles ont donc du temps pour se décider par exemple dans le cas ECR et donc de ne pas acheter des manuels de Fides.

Et, oui, certaines n'ont pas choisi de manuels ECR même au primaire et n'ont donc pas dépensé l'argent alloué par le ministère pour l'achat de manuels pour ce cours (plus de 20 millions).

sylvain a dit…

@ Françoise D

Comme le mentionne également le billet, certains adeptes du "Renouveau" préfèrent ne pas recourir aux manuels. (Et ne dépensent donc pas l'argent...)

Personnellement, je n'aime pas me restreindre à UN manuel, utilisant plutôt une variété de ressources. Les manuels étant toutefois l'une de ces ressources disponibles, je conçois difficilement qu'on puisse en priver les élèves...