jeudi 8 juillet 2010

Loyola — L'approche confessionnelle et l'équivalence

Pour Patrice Perreault de Granby qui se dit bibliste, le jugement Dugré est problématique. Il s'en offusquait récemment dans les colonnes du Devoir.
Un récent jugement concernant une demande de dérogation pour le cours Éthique et culture religieuse a reçu un verdict favorable. Selon le jugement Dugré, le cours d'enseignement religieux proposé par le collège Loyola, bien que s'inscrivant dans une perspective confessionnelle, équivaut au cours ECR, lequel prône une approche culturelle. Il s'avère difficile de saisir en quoi une orientation confessionnelle peut s'avérer équivalente à une approche culturelle, même si un programme confessionnel peut prétendre poursuivre les mêmes objectifs que le programme ECR.

[...]

Un autre enjeu est également soulevé: les enfants ont-ils la possibilité de découvrir autre chose — condition essentielle à la formation de l'esprit critique — que ce que leurs parents souhaitent leur transmettre ? Dans cette perspective, le jugement Dugré ne risque-t-il pas d'occasionner une dérive potentiellement dangereuse pour l'ensemble de la société ?
La réponse du chercheur en éducation, Roger Girard, est intéressante :
Monsieur Perreault ne se rend pas compte que le juge devait s’en tenir à ce qui est écrit dans le programme ÉCR et que «l’approche culturelle» n’en constitue pas un élément déterminant. En fait, l’expression ne figure même pas dans le programme. Les promoteurs et les partisans du programme parlent de cette «approche culturelle» comme de son caractère spécifique mais on n’en trouve aucune référence explicite dans le document officiel. Le juge ne pouvait prendre en compte des interprétations et des intentions, si valables soient-elles, qui ne se retrouvent pas dans le texte en question.

Lors les sessions de formation et des exposés publics, les responsables ont souvent mentionné que cette « approche culturelle » caractérisait le nouveau programme, mais ils ne l’ont guère définie autrement qu’en l’opposant « l’approche confessionnelle » ou en donnant certains exemples pas toujours évidents. Il n’est donc pas facile de percevoir clairement ce qu’il faut entendre par l’expression, même si elle évoque beaucoup de choses chez ceux et celles qui supportent le programme… Faute de bien situer les éléments devant guider les interventions pédagogiques, comme doit le faire tout programme d’étude, l’ÉCR fait appel à une adhésion bien subjective du personnel scolaire. Tout porte à croire que sous le couvert de nobles objectifs très généraux, les motifs profonds relèvent de l’organisation scolaire et d’une philosophie politique et non de la qualité de l’éducation des jeunes.

D’ailleurs, si l’on considère l’exemple donné par M. Perreault, les énoncés des derniers programmes d’EMRC [Enseignement moral et de religion catholique] du primaire tenaient d’une approche culturelle plutôt que confessionnelle.

Fier défendeur de la « méthode scientifique », M. Perreault devrait éviter de faire des extrapolations simplistes sur les conflits de celle-ci avec les croyances religieuses. Le mécanisme de reconnaissance des cours « équivalents » pour accorder l’exemption telle que demandée par Loyola ne permettrait pas d’accepter ce qui fait l’objet de ses craintes. Il suppose que les convictions religieuses et philosophiques viennent nécessairement contrecarrer une démarche scientifique ou une formation à cette démarche. S’il ne trouve pas au Québec de quoi le rassurer à cet égard, qu’il regarde ailleurs dans le monde, ne serait-ce que les universités américaines « confessionnelles » qui performent tout de même assez bien au plan scientifique. Que certaines tensions apparaissent à l’occasion avec les autorités religieuses ne doit pas faire oublier l’ensemble des résultats auprès des étudiants et dans la société. Il y a peut-être bien plus de conflits latents de nature économique et politique qui peuvent entraver le caractère «scientifique» de l’enseignement et de la recherche.

Enfin, s’il est « partisan du modèle de laïcité de reconnaissance », il devrait savoir que cette forme de laïcité s’applique à des pays admettant des enseignements religieux confessionnels à l’école publique, comme la Belgique et l’Allemagne (cf. Jean-Paul Willaime, «Europe : à chacun sa laïcité»).

Roger Girard



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