samedi 17 juillet 2010

Dictionnaire écrit par des enfants publié à des milliers d'exemplaires

L'Académie de Créteil [l'équivalent d'une grande commission scolaire en France] a fait rédiger par les élèves de 700 classes de CE2 (8-9 ans), CM1 (9-10 ans) et CM2 (10-11 ans) un dictionnaire de 7 000 mots, histoire de dépoussiérer un peu la langue française. Et sans intervention des instituteurs. Le résultat est à la hauteur des espérances : un nouveau désastre à mettre au crédit du pédagogisme.

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L’affaire du « Dictionnaire des élèves » de l’Académie de Créteil constitue l’un de ces modèles de transparence révélant à quel point l’idéologie pédagogiste reste puissante à tous les niveaux de l’appareil éducatif, se montrant toujours aussi déterminée sur ses objectifs qu’aveugle sur ses résultats. Tous ses poncifs – l’élève au centre du système, l’enseignement par le jeu, la soumission des contenus au monde extérieur, le jeunisme - étaient en effet réunis dans cette opération consistant à doter les élèves d’un dictionnaire écrit par eux-mêmes pour leur donner un outil plus moderne que tous ces vieux dictionnaires d’adultes qu’ils ne comprennent pas.

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« Nous avons décidé d’explorer cet outil parce que nous avions besoin d’un projet-phare pour dynamiser les pratiques en classe », a expliqué de son côté le rectorat. Le raisonnement est imparable : de plus en plus d’élèves ont des difficultés en Français ? Au diable l’instruction, vive l’autogestion : le meilleur moyen de leur permettre d’être au niveau est de ne pas les intimider par le vocabulaire qu’ils ne connaissent pas et de les laisser définir eux-mêmes leur langage.

Mais en faisant fonctionner l’institution éducative à l’envers – non pas défaire les préjugés et l’ignorance par l’accès à la connaissance commune mais donner à ces préjugés valeur de savoirs légitimes – l’on aboutit inévitablement à des petits problèmes, d’autant plus que ce dictionnaire si moderne fut évidemment mis en ligne sans interférence pour conserver la pureté de l’expérience. Comme l’expliquait au Figaro le rectorat de Créteil : « Nous avons pris les mots les plus courants de la langue française. Il ne faut pas lire les définitions avec nos yeux d’adultes, ce sont les enfants qui les ont élaborées. Le rectorat n’est quasiment pas intervenu sur le sens, pour conserver cet aspect ».

Cela se voit. L’on a ainsi pu lire que le « pape » est « le représentant de Dieu sur terre ». Les exemples pour « fille » et « femme » sont conformistes ou étranges : « cette femme est belle », « cette fille me donne froid au dos », « j’ai trouvé une jeune fille dans la forêt ». Pour « chrétien », l’exemple retenu est : « les chrétiens partent en croisade pour défendre le tombeau du Christ en Terre sainte ». Pour « juif » : « un juif va s’installer dans notre immeuble ». Et « Arabe » figure avec la connotation essentialiste propre aux intégristes et aux racistes (« je suis arabe et je fais l’aïd »). Mais l’on ne trouve pas trace, dans ce dictionnaire de l’enseignement public, du mot « laïcité ». Sans parler d’« athée » ou « homosexuel ». [L'article est tiré du journal de gauche Marianne, cela explique sans doute ces regrets...]

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Après avoir été légèrement expurgé des détails les plus gênants, une version papier de ce dictionnaire nombriliste va être tirée à plusieurs milliers d’exemplaires pour que chaque classe de l’Académie de Créteil puisse disposer dès la rentrée de cet outil indispensable à la poursuite du désastre scolaire.

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