dimanche 7 février 2010

Aristote serait épouvanté par le Manifeste pour un Québec pluraliste

Le philosophe Jean Laberge se penche sur le Manifeste pour un Québec pluraliste publié par les univer­sitaires partisans du multiinter­culturalisme et de l'imposition du programme gouver­nemental obligatoire d'éthique et de culture religieuse dès six ans :
« Ce qui ne tourne pas rond dans le Manifeste, et ce qui épouvanterait Aristote, c’est que la finalité politique de l’État proposée est inadéquate. La véritable finalité de l’État consiste à développer les vertus des citoyens qui, en retour, doivent veiller, comme à prunelle de leurs yeux, au bien-être de l’État, puisque de la santé de celui-ci dépend leur bonheur, c’est-à-dire leur épanouissement. La finalité de l’État ne se limite donc en aucune façon à trouver l’équilibre de la société, dans une neutralité irrespectueuse du bonheur des citoyens, où chacun y trouve son compte dans la satisfaction ses intérêts personnels.

On parle aujourd’hui abondamment d’éducation à la citoyenneté. J’ai bien peur que ce ne soit encore une fois que des mots creux et des vœux pieux. Quand on a vidé l’État de sa véritable finalité (« fonction », dirions-nous aujourd’hui), le sens de la citoyenneté ne rime plus à rien. En effet, là où un État octroie à ses citoyens, dès la sortie du sein maternel, des droits, à quoi bon s’esquinter à les acquérir ? Ce dont l’État devrait plutôt se faire le chantre, c’est d’une éducation à la vertu.

À cet égard, le Manifeste loue la mise sur pied récente du cours d’Éthique et de culture religieuse, comme une heureuse initiative permettant d’assurer le vivre-ensemble. Mais il ne s’agit que d’une éducation au pluralisme. Pour un État comme le Québec, déjà fragilisé, l’éducation au pluralisme est tout ce qu’il y a de plus lénifiant et soporifique. La vertu centrale qu'on souhaite instiller chez les jeunes est la tolérance et le consensus social — ce qui équivaut à l’apprentissage de la rectitude politique commandée par l’État libéral.

Tout le monde est dans ses droits, mais personne ne sait ce qu’est le courage, la justice, la sagesse, la tempérance, la piété, la foi, l’espérance et la charité. Cela ne prépare pas au bonheur. Socrate aimait à dire qu’une vie sans examen de ce qu’est la vertu ne valait pas la peine d’être vécue. Aristote avait retenu la leçon du maître de Platon. Aurons-nous le courage de l’entendre à nouveau ? »
Le texte complet de Jean Laberge

Le philosophe français David Mascré avait également attaqué l'extrême pauvreté des vagues valeurs mises en avant dans le programme ECR dans son expertise remise lors du procès de Drummondville :
Cette prise en charge de la question religieuse sous le double angle de la culture et de l’éthique appelle, nous semble-t-il, un certain nombre de remarques.

Objection 1 : la mise en avant de ces deux objectifs « reconnaissance de l’autre » et « poursuite du bien commun » apparaît d’une pauvreté affligeante en regard des valeurs fondatrices d’une civilisation digne de ce nom. Elles sont notamment très en deçà des notions d’honneur, de loyauté, de justice, de sacrifice qui présidaient au fonctionnement des sociétés traditionnelles. Elles sont surtout à mille lieues des vertus cardinales (prudence, tempérance, force, courage) et théologales (foi, espérance et charité) fondatrices de l’ordre chrétien (tel qu’il fonctionnait par exemple dans l’orbs christiana médiévale ou dans l’ordre social chrétien profane de l’âge classique) successivement pressenties et anticipées d’abord par la sagesse antique et païenne puis définitivement assumées et accomplies par la sagesse chrétienne.

Objection 2 : Les valeurs proposées par le cours ECR sont très largement insuffisantes pour bâtir un ordre social et civilisationnel digne d’une société chrétienne véritable. Elles ne suffisent pas même à garantir la justice, la sécurité publique, l’assistance aux malades et aux affligés et la protection des plus faibles, réquisits civilisationnels fondamentaux que même les sociétés païennes primitives ont pourtant su en leur temps assurer et mettre en œuvre.

Objection 3 : le programme propose un objectif qui est fondamentalement en deçà de ce que l’on est en droit d’attendre d’un véritable programme d’éducation. Il semble avoir été conçu par des hommes vivant dans une société de confort et d’opulence privée de tout élan spirituel et dans laquelle les préoccupations spirituelles aussi bien que matérielles (à commencer par la satisfaction des besoins humains les plus élémentaires) auraient été définitivement évacuées.

Objection 4 : les valeurs que le programme d’éthique et de culture religieuse prétend ainsi mettre en avant ne sont à aucun moment définies de manière rigoureuse (c.-à-d. exhaustive et non redondante).






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