vendredi 23 janvier 2009

Regard romain sur le boycott du cours obligatoire d’éthique et de culture religieuse

L'agence de presse catholique romaine Zenit publie un résumé du boycott qui entoure l'imposition du cours d'éthique et de culture religieuse à tous les petits Québécois.
ROME, Vendredi 23 janvier 2009 (ZENIT.org) — Depuis la mise en place dans les écoles québécoises, à la rentrée 2008, d'un cours d'Etat obligatoire d'« éthique et de culture religieuse », certains parents ont décidé de boycotter le cours. Ils réclament le droit de choisir pour leurs enfants scolarisés « un enseignement moral ou religieux en accord avec leurs croyances et leurs convictions ».

Ce nouveau cours, qui vise à donner aux élèves une ‘connaissance' des croyances et rites de six ou sept religions, avait été dénoncé en octobre 2008 par le cardinal Marc Ouellet, archevêque de Québec et Primat du Canada, comme une orientation « radicale » qu'« aucun pays européen n'a jamais adoptée ».

La réforme

Jusqu'en septembre 2007, les écoles publiques et privées du Québec proposaient encore un enseignement moral et religieux catholique, un enseignement moral et religieux protestant ou un enseignement moral (sans religion), chaque parent faisant le choix d'un de ces trois cours pour leurs enfants au primaire et au secondaire.

La Loi 95 imposant aux écoles publiques et privées un cours d'État obligatoire d'« éthique et de culture religieuse », en vigueur depuis la rentrée de septembre 2008, avait été adoptée en 2005 par le gouvernement de Québec.

Cette loi avait alors modifié l'article 41 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne en abrogeant la partie suivante : « (...) les parents ou les personnes qui en tiennent lieu ont le droit d'exiger que, dans les établissements d'enseignement publics, leurs enfants reçoivent un enseignement religieux ou moral conforme à leurs convictions, dans le cadre de programmes prévus par la loi ».

Pour le gouvernement de Québec, il s'agit, « dans une société marquée par la diversité des croyances », de proposer un enseignement visant à favoriser une société « ouverte et tolérante », à comprendre les « traditions religieuses dont l'influence s'est exercée et s'exerce toujours dans notre société ». Dans la présentation du programme (http://www.mels.gouv.qc.ca/sections/ecr/), l'État québécois affirme vouloir ainsi signifier « sa volonté de compléter la déconfessionnalisation de tous les éléments du système scolaire public ».

Le boycott des cours

Ainsi, depuis septembre 2008, ce cours d'Ethique et de culture religieuse se propose de faire découvrir aux élèves un ensemble de 6 ou 7 religions et de différentes visions du monde. Il s'agit d'un enseignement obligatoire, dans les écoles publiques comme dans les écoles privées, ces dernières gardant néanmoins la possibilité d'y ajouter des enseignements confessionnels. Cependant, le régime pédagogique ne prévoit pas de temps pour ces cours supplémentaires.

En 2007, un collectif de parents s'est regroupé en Coalition pour la liberté en éducation, qui réclame le droit de choisir pour leurs enfants un enseignement moral ou religieux à l'école en accord avec à leurs croyances et leurs convictions. Ils évoquent le danger que ce cours « banalise la religion en plaçant toutes les religions, spiritualités, mouvements religieux et visions du monde sur un pied d'égalité » et dénoncent le risque de « grande confusion » que cela risque de créer dans la tête de l'enfant. « À la fin de ce cours, on peut prévoir que l'enfant ne connaîtra ni sa propre religion ni celle des autres et qu'il aura une très grande difficulté à démêler l'une de l'autre », ajoutent-ils.

Le risque d'une dictature du relativisme

Les parents dénoncent une dictature du relativisme et notamment un refus de chercher à définir un bien et un mal absolu. Ils justifient leurs craintes par les affirmations contenues dans les manuels eux-mêmes. L'un de ces manuels précise en effet qu'à la suite du cours l'enfant aura peut-être « l'impression que le BIEN et le MAL ABSOLU n'existent pas, mais qu'il y a bien un bien et un mal relatif pour chaque INDIVIDU » (les majuscules sont dans le texte).

En octobre 2008, le cardinal Ouellet avait évoqué dans un article signé dans la revue de l'Université catholique de Milan, Vita e Pensiero, ce cours qui vise à donner aux élèves une « connaissance des croyances et rites de six ou sept religions ». « Je doute que des enseignants vraiment peu préparés à relever ce défi puissent enseigner avec une neutralité totale et de manière critique des notions qui sont encore moins compréhensibles pour eux que leur propre religion ».

« Il faut être très ingénu pour croire que ce miracle d'enseignement culturel des religions produira un nouveau petit Québécois, pluraliste, expert en relations interreligieuses et critique envers toutes les croyances », avait encore dénoncé le cardinal. « Le moins que l'on puisse dire est que la soif de valeurs spirituelles sera bien loin d'être étanchée et qu'une dictature du relativisme risque de rendre encore plus difficile la transmission de notre héritage religieux ».

L'archevêque de Québec avait alors invité à « protéger et entretenir cet héritage religieux fondé sur l'amour qui est une force d'intégration sociale bien plus efficace que la connaissance abstraite de quelques notions superficielles sur six ou sept religions ».

Marine Soreau

Un plaidoyer pro-ÉCR non convaincant

Le théologien Guy Durand publie une lettre ouverte dans la Voix de l'Est au sujet du livre apologétique pro-ECR de Georges Leroux (une version de ce texte a été proposée par le Devoir fortement en faveur du cours ECR et dont Georges Leroux est un des collaborateurs, il n'a pas été publié par le Devoir) :
Le livre contient des idées particulièrement heureuses :

— le regard positif posé sur l'héritage chrétien, qui « imprègne la culture de l'Occident », dont le Québec;

— plus largement, la conception positive des religions, qui ne proposent pas des positions morales sommaires et archaïques, mais « des formes symboliques historiques et actuelles, dont l'interprétation est essentielle à la compréhension de l'identité et de l'expérience contemporaines »;

— la dénonciation d'une conception utilitariste de l'école;

— la critique du relativisme qui conduit au scepticisme.

Le livre contient cependant des éléments problématiques en lien avec ceux du programme d'ÉCR qu'il s'applique à justifier.

1. Affirmant que le programme est le fruit d'un long processus démocratique, le livre ne dit rien sur les ratés de cette histoire.

2. Rien sur la responsabilité et le droit des parents sur l'éducation morale et religieuse de leurs enfants.

3. La laïcité admet d'autres modèles, trop rapidement rejetés par l'auteur sous l'appellation globale de communautarisme (pays scandinaves et Allemagne) et de républicanisme (France). La diversité serait beaucoup plus grande si l'on distinguait, par exemple, la fin (égalité et liberté de conscience) et les moyens (autonomie de l'État et des religions).

4. L'auteur durcit la notion d'école commune, intégrative. En quoi, en effet, la séparation des élèves durant une ou deux heures semaine nuit-elle à cet objectif. Ça se fait déjà pour le choix de plusieurs matières.

5. Comme le programme, l'auteur présente une vision réductrice de la religion, centrée sur la connaissance des rites et symboles mise au service du vivre ensemble, sans insistance sur sa signification ou son apport à la compréhension des grandes questions de l'existence.

6. Le livre assume enfin les aspects anti-pédagogiques du programme, notamment au primaire : lien trop étroit entre morale et religion (quoiqu'il me semble heureux de les mettre à l'intérieur du même groupe de matières); exposition prématurée des jeunes devant autant de conceptions de la vie (six religions); insistance inappropriée sur l'esprit critique à cet âge.

7. À un autre niveau, le livre passe sous silence les difficultés du processus en cours, notamment le manque de préparation des maîtres y compris des formateurs des maîtres.

Conclusion. Malgré la richesse de certaines réflexions, le livre n'arrive pas à convaincre de la justesse du programme d'ÉCR proposé par le Ministère. Peut-être cela tient-il principalement à l'absence de distance entre la réflexion d'ordre philosophique et les applications d'ordre pédagogique. En attendant une révision importante du programme, il est urgent de permettre l'exemption aux élèves (ou parents) qui ne veulent pas suivre le cours. Aux commissions scolaires et aux écoles de prendre leurs responsabilités si le ministère tarde à le faire.

Guy Durand