lundi 14 décembre 2009

Climat : la démographie n'est pas un problème

À l’heure où les représentants du monde entier débattent à Copenhague du devenir de la planète, ressurgit une vielle rengaine que l’on croyait remisée au placard : le fantasme de l’explosion démo­gra­phique et de la surpo­pulation. On en tire que pour lutter contre le réchauf­fement de la planète, il faudrait empêcher une partie de l’humanité d’avoir des enfants, en tous les cas d’en avoir trop.

On ne s’étendra pas sur le paradoxe philosophique : lutter contre la vie pour préserver la vie…

On n’insistera pas non plus sur le fait que la population est une chose, le modèle de consom­mation en est une autre. Les hommes dont il s’agit sont loin d’être égaux. Selon leur mode de vie, le carbone qu’ils émettent varie de 1 à 100. Même entre des régions de niveau analogue comme l’Europe et les États-Unis, la différence est de 1 à 2.

On soulignera plutôt l’ignorance abyssale des phénomènes démographiques que révèle un tel discours.

Décélération

Ignorance de ce qui se passe sur le terrain d’abord. La fécondité est en diminution dans la plupart des pays de la planète. Un exemple : l’Iran où, sous un régime ultra­religieux, la fécondité est descendue de 7 à 2 enfants par femme en 25 ans. Tous les pays d’Europe sont aujourd’hui au-dessous du seuil de repro­duction des géné­rations. Certes, la France, borgne parmi les aveugles, n’est que juste au dessous, mais toute l’Europe de l’Est est en train de se dépeupler à grande vitesse : la Russie perd près d’un million d’habitants par an [Note du carnet, c'est moins depuis quelques années]. Sont aussi au-dessous du seuil de reproduction l’Australie, la Nouvelle Zélande, le Canada, le Japon, la Chine, le Brésil, la Tunisie. Le taux de fécondé est en baisse continue au Mexique, au Maroc, en Algérie, en Égypte, en Inde, au Pakistan, en Indonésie et ne devrait pas tarder, dans ces pays aussi, à passer au-dessous du seuil.

Même sur le continent le plus en retard, dans l’Afrique subsaharienne, la fécondité globale, encore élevée certes, baisse chaque année.

Très peu de pays font exception à ce mouvement de baisse : la France et les États-Unis, surtout en raison de l’immi­gration, et quelques pays très arriérés mais peu peuplés, comme le Niger, la Guinée Bissau ou l’Afghanistan.

Et pourtant, dira-t-on, la population mondiale, qui a déjà atteint 6,8 milliards d’habitants augmente encore.

Il est vrai qu’au cours du XXe siècle, la population mondiale a augmenté comme jamais auparavant, passant de 1,5 à 6 milliards en 100 ans. Mais cette croissance est en cours de décélération rapide.

Si la population de la planète augmente encore, on le doit au phénomène d’inertie bien connu des démo­graphes : le taux de natalité (distinct de celui de fécondité) n’est pas seulement fonction de la fécondité des femmes, mais aussi du nombre de femmes en âge d’enfanter.

Or en raison de la croissance passée, ce nombre est important dans les pays du Sud : la popu­lation mondiale est comme un camion lancé à grande vitesse qui continue d’avancer malgré un grand coup de frein.

Si l’on prolonge, non seulement la courbe de croissance mais encore la pente en diminution de cette courbe, la popu­lation mondiale devrait atteindre vers 2040 un maximum que l’ONU chiffre à environ 9 milliards d’habitants, mais il faut savoir que cette prévision était de 12 milliards il y a quelques années et est révisée en baisse tous les ans. Dans ces 9 milliards, l’Afrique noire pèsera sans doute plus qu’aujourd’hui, peut-être pour 2 milliards, mais ce continent est encore peu peuplé et, contrai­rement à la légende, les terres culti­vables encore sous-exploitées, n’y manquent pas .

Quel modèle ?

Et après, que se passera- t-il ? La croissance zéro, dont rêvent les défenseurs de l’environnement ? Non, l’humanité n’est pas si sage : comme dans un lancer de pierre, la courbe redes­cendra alors inexorablement. Tant mieux dira-t-on ? Mais que sera l’état d’esprit de cette humanité en déclin, vieil­lissante et où, par la voie de la sélection artificielle, les hommes seront un peu partout plus nombreux que les femmes ?

Ignorance enfin des mécanismes à l’œuvre dans les phénomènes de population. Tout ce que nous venons de dire montre que, avec ou sans proclamations empha­tiques sur la nécessité de contrôler les naissances, un processus de décé­lération rapide de la popu­lation mondiale est à l’œuvre. La politique forcée de contrôle des naissances qui a prévalu à l’initiative du gouver­nement en Chine ou en Inde, sous l’égide des Nations Unies en Amérique latine, semble y être pour quelque chose. Pourtant le mouvement a été analogue dans des pays où de telles politiques n’avaient pas cours, comme l’Indonésie ou l’Iran. Les ressorts des compor­tements démogra­phiques, sans être mystérieux, sont trop intimes pour que les pouvoirs publics puissent les infléchir à leur gré, sinon à la marge.

Aujourd’hui, le principal ressort de la baisse de la fécondité est l’imitation d’un modèle occidental qui, grâce aux média, est désormais connu partout. Un modèle occidental peut-être suicidaire : un pays comme l’Allemagne qui voudrait redresser ses naissances à un niveau moins catastrophique, n’y parvient pas.

À ce vaste mouvement de baisse en marche un peu partout dans le monde, il est d’autant plus inutile d’en rajouter que l’on ne sait pas encore où il conduit l’humanité.

Roland Hureaux a publié Le Temps des derniers hommes, Le devenir de la démographie mondiale, Hachette, 2000.






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