mercredi 17 décembre 2008

L'ex-ministre Jacques Brassard et la modification de la Charte des droits : « Je n'ai rien vu passer »

L'ancien ministre de Affaires intergouvernementales du Québec s'expriment longuement sur le cours d'éthique et de culture religieuse dans les colonnes du Quotidien de Chicoutimi.

(version partielle ici, complète ci-dessous)

Les dieux sont vraiment tombés sur la tête !

Lorsque j'étais, dans une vie antérieure, ministre des Affaires intergouvernementales, j'ai contribué, avec Pauline Marois et Stéphane Dion, à faire adopter par les deux Parlements un amendement constitutionnel qui avait pour effet de déconfessionnaliser les commissions scolaires. Le but recherché était d'en faire des structures linguistiques.

Lors des débats parlementaires, cependant, tout le monde insistait pour dire que la création de commissions scolaires linguistiques n'abolissait pas le droit à l'enseignement religieux garanti par la Charte des droits et libertés. Jusque-là, pas de problème !

Valeur


Quand le ministère de l'Éducation a concocté et imposé à tous les jeunes du primaire et du secondaire un cours d'éthique et de culture religieuse, quelle ne fut pas ma surprise d'apprendre que l'Assemblée nationale avait modifié à l'unanimité et à toute vapeur, en juin 2005 sans vote nominal la Charte des droits. Résultat : abolition, à toutes fins utiles, de la liberté de choix des parents en matière d'enseignement religieux et moral.

J'avoue que je n'ai rien vu passer. Même l'ADQ qui, aujourd'hui, réclame un moratoire sur le nouveau cours, ne s'est pas opposée à l'amendement. Pourtant, on dit que la Charte des droits et libertés a plus de valeur et d'importance qu'une loi ordinaire. Et que, par conséquent, il ne faut lui toucher qu'avec grande précaution et après un large débat permettant une décision éclairée. Ce ne fut évidemment pas le cas sur cette question délicate.

Cela vaut la peine de lire le texte avant sa modification... « Les parents ont le droit d'exiger que, dans les établissements publics, leurs enfants reçoivent un enseignement religieux ou moral conforme à leurs convictions, dans le cadre de programmes prévus par la loi. » C'est en vertu de cette disposition que les écoles publiques du Québec offraient le choix aux parents entre l'enseignement religieux et l'enseignement moral. Dans 80 % des cas, c'était l'enseignement religieux qui était choisi.

Changement majeur

Désormais, le nouvel article, tel que modifié, ne fait que reconnaître aux parents le « droit d'assurer l'éducation religieuse et morale de leurs enfants ». Il n'est plus question, toutefois, que ça se passe dans les « établissements publics ». Il s'agit d'un changement majeur puisqu'il abolit la liberté de choix (entre enseignement religieux ou moral) des parents. Tout cela s'est fait pratiquement en cachette et à toute vapeur. Une telle désinvolture en matière de droits et libertés est pour le moins offensante et méprisante à l'égard des parents du Québec.

Le nouveau cours d'éthique et de culture religieuse est je le dis sans ménagement, une horreur. C'est une macédoine indescriptible qui oblige des enfants de six ans à « fréquenter » au moins six religions. Jésus, Allah, Bouddha, Vishnou, Ganesh, Jéhovah et le Grand manitou, C'est toute une ribambelle de dieux qui vont se bousculer dans le cerveau des tout-petits.

L’effet recherché de ce cafouillis divin, c’est de relativiser (cela s’appelle le relativisme éthique) l’héritage judéo-chrétien des Québécois. Vous croyez que je divague ? Voici ce qu’écrit le géniteur du cours, Fernand Ouellet : « Il ne suffit pas, nous avoue-t-il, d’éduquer à la reconnaissance et au respect de l’autre. Il faut aussi apprendre à ébranler la « suffisance identitaire » et à s’intéresser à l’autre par delà les divergences et les conflits de valeurs ». Plus loin, il ajoute qu’il faut « ébranler une identité trop massive et y introduire la divergence et la dissonance ». Pas mal, hein ? Comprenez que l’héritage, les traditions, le patrimoine et l’éthique judéo-chrétienne forment un noyau trop dur, trop résistant, trop coriace. Ainsi, il est essentiel de le casser, de le fractionner, afin de permettre à nos enfants et petits-enfants d’être propulsé dans le nirvana du multiculturalisme et de la surabondance divine.

Patrimoine

Au moins, on ne peut pas reprocher à la Machine technocratique de l’Éducation de manquer de clarté et d’avoir des objectifs flous. Les Québécois, selon ces bonzes et ces mollahs du Ratatinement Identitaire, ont la fâcheuse propension à considérer que leur identité nationale (400 ans d’histoire en Amérique, une langue, une culture, une patrie, un patrimoine, un vieil héritage judéo-chrétien) se doit d’être dominante et prépondérante au Québec. C’est d’un très mauvais goût !

Il convient donc pour ces technocrates que l’immense majorité des parents réduisent leur « suffisance identitaire » , c’est-à-dire, selon le Petit Larousse, leur « satisfaction excessive de soi-même ». Il faut que ces Québécois cessent de faire preuve d’un attachement inconvenant et abusif à la dimension judéo-chrétienne de leur identité nationale, ce qui se traduisait auparavant par l’inscription massive de leurs enfants au cours d’enseignement religieux plutôt qu’à celui de morale. Voilà pourquoi, désormais, nos écoles ont recours à Bouddha, Allah, Vishnou et tout le panthéon planétaire pour désarticuler, chez des enfants de six ans, la part judéo-chrétienne de notre identité nationale.

Si l’on pouvait tenir un référendum (comme dans la plupart des États américains) sur cette question, une forte majorité obligerait sûrement les idéologues multiculturels à rétablir la liberté de choix des parents comme un droit fondamental.

Quebec's creepy new curriculum