vendredi 12 septembre 2008

Séparer religion et éthique ?

Nous avons déjà abordé la question : il est faux de dire que les parents religieux seront contents du volet d'éthique du cours d'ECR alors que ce cours imposé par le Ministère de l'Éducation ne présente pas ce volet conformément à la morale de leur religion mais de façon « pluraliste » ou « relativiste ». Parfois cette présentation sera même tout simplement tendancieuse comme c'est le cas du dossier sur le clonage d'ERPI.

C'est avec intérêt que nous avons lu l'article Séparer éthique et religion dont nous reproduisons quelques extraits ci-dessous :
« [O]n ne peut pas tracer une frontière étanche entre éthique et religion.

[...]

[S]i l'éthique peut se passer de religion, celle-ci, par contre, ne peut pas se développer sans dimension morale. Le but fondamental de toute religion, c'est de proposer à l'humain une conception globale, holiste, de la vie en ce monde, ce qui comporte une cosmologie, une anthropologie, une sociologie et une éthique, au sens d'une façon d'envisager les rapports aux autres et au monde sur la base de cette conception de la vie. Au risque de me répéter, s'il est possible de parler d'éthique sans référence à Dieu, il est impossible de parler de Dieu sans en inférer des conséquences sur notre « vivre ensemble ».

[...]

[Selon certains] développons un discours éthique indépendant de toute référence religieuse, afin d'arriver à nous côtoyer sereinement par-delà les différences qu'engendrent nos appartenances de foi. Mais une fois qu'on a dit cela, quels pourront être les repères pour construire ce discours éthique commun, rassembleur ?

Jacques Beauchemin a bien montré, dans La société des identités, que c'est un pari extrêmement difficile à tenir. Pourquoi ? Parce que l'éthique part toujours d'une conception de l'humain, et que cette conception de l'humain n'existe pas, pour un individu X, indépendamment de sa propre conception générale de la vie, qui est la plupart du temps influencée par 1000 facteurs, dont le religieux n'est pas le moindre.

Besoin d'un exemple ? On a parfois la prétention de dire que la Charte universelle des droits de l'Homme est, justement, universelle, et qu'elle devrait pouvoir s'imposer partout, en surplomb, en quelque sorte, de toute religion et de toute culture. Mais il y a des coins du globe où elle est impossible à mettre en œuvre, car l'anthropologie locale y résiste radicalement. Pensons à l'Inde « profonde », si imprégnée de la mentalité des castes : souvent, même l'individu qui pourrait bénéficier de ces droits n'en envisage même pas l'existence, tant il est imprégné d'une conception de la vie où l'égalité fondamentale des individus est absente. Je ne veux pas partir ici un débat sur les Droits de l'Homme en Chine, mais est-ce si sûr que le bafouement de ces droits est essentiellement une question liée à un état de dictature qui cherche à se maintenir ? Certes, il y a probablement de cela. Mais n'y a-t-il pas aussi, plus intrinsèquement, une mentalité commune où la dignité individuelle n'a pas le même écho qu'en Occident ? Tout cela pour dire que notre charte « universelle » a toutes les chances d'être très occidentale, toute imprégnée qu'elle est de l'humanisme grec, du droit romain et de l'anthropologie personnalisante judéo-chrétienne, le tout ayant été progressivement assumé par la société civile depuis les Lumières.

Attention : je ne prétends pas que l'Occident et le christianisme ont raison puisque les « Droits de l'Homme » y sont nés. Je pense personnellement que cette conception des droits devrait idéalement en venir à imprégner toute culture. Mais si je le pense, n'est-ce pas précisément parce que je suis moi-même un occidental ?

Ce que je prétends, donc, c'est à l'extrême difficulté d'une opération pour identifier les valeurs communes, une opération qui prétende pouvoir justifier rationnellement ce choix sur la base d'un humanisme universellement acceptable. Il restera toujours des gens pour dire : « moi, dans ma façon de voir la vie humaine, telle valeur n'est pas vraiment recevable ». Tout ce qu'on pourra leur dire, ce sera : « ici, c'est comme ça, si tu veux vivre en terre québécoise, tu devras t'y plier. » Mais on ne pourra pas lui PROUVER que ça doit être comme cela.

[...]

Ce cours [d'ECR] permet d'aborder 2 thèmes humains fondamentaux: l'éthique ET la question de la religion dans la vie humaine. Rien dans la description ne dit que le discours éthique doive être influencé par quelque posture religieuse que ce soit. Certes, avant il y avait « Enseignement moral et religieux catholique » (par exemple), où tout était marqué par la foi chrétienne. Comme c'est ce cours qui a été aboli et remplacé, le nouveau cours devait prendre acte du vide, de sorte que les 2 thèmes sont pris en compte, mais chacun pour ce qu'il est : parfois on parlera de questions éthiques, et parfois on parlera de questions religieuses.

Seulement, comme je l'ai montré, si on peut penser qu'il sera possible de parler d'éthique sans référence religieuse, on ne pourra cependant pas parler de religion sans parler d'éthique, sous l'angle de : « voici ce que pensent ces croyants de la vie, de l'homme, du monde, etc. et, en conséquence, voici leurs valeurs... ».

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